Un laboratoire de Boston a-t-il créé une souche de Covid avec un taux de mortalité de 80 % ? – Libération

Question posée par Le Mutin le 18 octobre 2022.

Le 17 octobre, un article du tabloïd anglais courrier quotidien comportait un titre particulièrement sensationnel : ‘EXCLUSIF:’ Vous jouez avec le feu, cela pourrait déclencher une pandémie générée en laboratoire’: des experts critiquent le laboratoire de Boston où des scientifiques ont créé une nouvelle souche mortelle de Covid avec un taux de mortalité de 80% L’article, largement partagé sur les réseaux sociaux, vise à rendre compte deune étude présentée en pré-publicationle 14 octobre, par une équipe de chercheurs de l’université de Boston.

En quoi consistait réellement l’étude ? Ses auteurs ont cherché à déterminer quelles mutations du variant omicron BA.1 donnent une virulence différente à la souche Sars-CoV-2 qui circulait au début de l’épidémie. Plus précisément, ils ont voulu tester l’hypothèse selon laquelle les propriétés infectieuses d’omicron dépendraient de mutations survenant dans sa protéine “spike” (la protéine qui permet au virus de se fixer aux cellules humaines).

Pour tester cette hypothèse, ils ont introduit la protéine de pointe omicron dans la souche découverte en 2019, créant un virus hybride. Plusieurs séries d’expériences, in vitro ou chez l’animal, ont été réalisées pour comparer les capacités de ce nouveau virus à celles d’omicron BA.1 et à celles du virus ancestral.

Les auteurs observent ainsi que ce coronavirus hybride, exposé in vitro au sérum de patients vaccinés, a une capacité d’échappement immunitaire similaire à celle de l’omicron (ce qui n’est pas surprenant, puisque la plupart des vaccins à ARNm disponibles sont basés sur l’exposition de l’organisme à une protéine de pointe séquencée en 2020, significativement différente de celle d’omicron BA.1).

Une deuxième expérience a particulièrement retenu l’attention des courrier quotidien. Le virus hybride, l’omicron BA.1 et le virus ancestral ont été inoculés, respectivement, en grande quantité, à dix, dix et six souris. “humanisé”. En effet, ces animaux ont été génétiquement modifiés pour exprimer, à la surface de leurs cellules, le même récepteur « ACE2 » auquel la pointe est attachée dans l’organisme humain (« souris »K18-hACE2»).

Mortel… pour les souris génétiquement modifiées

Alors que pour les dix souris exposées à omicron BA.1, l’infection a été “léger et non létal”, huit des dix souris humanisées exposées au virus hybride sont mortes. De leur côté, les six souris exposées au virus ancestral sont mortes. En otras palabras, el virus omicron BA.1 no parece peligroso para estos ratones que presentan este receptor ACE2 humano en la superficie de sus células, mientras que los dos virus que muestran características ancestrales (independientemente de la proteína de pico que expresen) son fatales pour eux. Les auteurs concluent que les caractéristiques de virulence d’omicron BA.1 ne sont pas basées, du moins pas uniquement, sur des mutations présentes dans sa protéine de pointe.

Aux doses inoculées – 10 000 PFU – le virus ancestral est identifié comme mortel pour les souris K18-hACE2. Les chercheurs notent qu’aux mêmes doses, le virus hybride a sauvé deux des dix souris inoculées.

Quand il courrier quotidien mentionne un virus dans son titre “avec un taux de mortalité de 80%”, le tabloïd omet de préciser que cette létalité fait référence à une expérience avec seulement dix souris, génétiquement modifiées pour avoir une très forte sensibilité au Sars-CoV-2. Une sensibilité telle que le virus qui circulait début 2020, aux doses auxquelles il est inoculé dans ces expérimentations, a une létalité de 100% chez ces animaux. Heureusement, ce n’est pas le cas des humains.

Université de Boston a réagi à l’article de courrier quotidien l’appelant un “faux et inexact”, et jugeant qu’elle faussait les résultats obtenus par les chercheurs. “Ils ont sensationnalisé le message, ils ont déformé toute l’étude et ses objectifs”, C’est ce qu’a déclaré Ronald Corley, directeur des laboratoires dont dépendent les auteurs de l’étude. L’université a également noté que la recherche avait été examinée et approuvée par un comité de biosécurité et par la Boston Public Health Commission.

Gain de fonction

Dans son communiqué, l’université s’en prend également à une deuxième revendication de la courrier quotidien : ces travaux seraient un “recherche de gain de fonction”, défini dans l’article par ces mots : “Lorsque les virus sont délibérément manipulés pour les rendre plus infectieux ou mortels.”

En pratique, une recherche de “gain de fonction” désigne l’ensemble des travaux visant à faire acquérir à un organisme de nouvelles fonctions, le plus souvent par l’induction de mutations et la sélection de caractères émergents, mais aussi par hybridation ou manipulation génétique ciblée. Toutes ces recherches, en particulier celles sur les organismes à faible risque, n’ont rien d’inquiétant. Au contraire, lorsque l’organisme étudié est particulièrement sensible, et que les manipulations effectuées tendent à augmenter sa dangerosité, il est aisé de parler de GoFROC, acronyme de “Sur le gain de la recherche de fonction”. Cependant, il n’existe pas de définition consensuelle et universellement acceptée du GoFROC, qui définirait ses contours sans aucune ambiguïté.

“Tout le monde a du mal à définir cette recherche”, commenter à Sortie Bruno Canard, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’Architecture et Fonctions des Macromolécules Biologiques de l’Université d’Aix-Marseille. « Il n’y a pas eu beaucoup de débat sur ce sujet, et personne n’est vraiment d’accord sur ce qu’il faut inclure derrière ces termes. Un des enjeux est aussi que l’activité de recherche, dans ce domaine, est en elle-même incertaine : on peut très bien prédire une perte de fonction et obtenir un gain de fonction, et inversement… »

Pour l’Université de Boston, cependant, les choses seraient simples, comme elle l’écrit : «Cette recherche n’est pas une recherche de gain de fonction, dans le sens où elle n’impliquait pas d’amplification de la souche du virus Sars-CoV-2. [ancestrale]Et cela ne le rendait pas plus dangereux. En fait, cette recherche a rendu la réplication du virus moins dangereuse. (faisant référence au fait que seules huit souris sur dix sont mortes avec le virus hybride, contre six sur six avec le virus ancestral).

Cependant, cet argument soulève plusieurs problèmes. Tout d’abord, elle repose sur une définition arbitraire et étroite de la recherche en gain de fonction (réduite ici à deux critères, recours à une technique “d’amplification” produire les virus utilisés dans l’expérience et, surtout, à la production d’un virus plus dangereux). De plus, l’université cache que le virus hybride présente une plus grande évasion immunitaire que la souche ancestrale (comme le montre l’expérience réalisée in vitro). Cela correspond à une nouvelle fonction conférée au virus, ce qui le rend plus dangereux.

Enfin, l’argument selon lequel la létalité du virus hybride est plus faible (pour les souris humanisées) que celle du virus ancestral… est un constat issu de l’expérience. Dans l’hypothèse où les chercheurs auraient décrit un virus aussi mortel que la souche ancestrale, et présentant des caractéristiques pathogènes plus importantes que le virus initial, l’université aurait-elle alors jugé qu’il s’agissait d’un “recherche de gain de fonction” ? En d’autres termes, ce qualificatif dépend-il du résultat de l’expérience ou de la simple mise en place d’un protocole expérimental ? Intention ou résultat ?

Une réponse est donnée dans le communiqué de l’université, dans un passage expliquant pourquoi ces travaux n’ont pas fait l’objet d’une divulgation préalable à l’Institut national des maladies infectieuses (Niaid) : “En premier lieu parce que les expériences ont été menées avec des fonds de l’université […] et deuxièmement, parce que cette recherche n’a pas conduit à un gain de fonction. Si à un moment quelconque il y avait des preuves d’une amélioration de la fonctionnalité, selon les protocoles de Niaid et les nôtres, nous arrêterions et signalerions l’enquête immédiatement. »

Une recherche similaire récemment publiée dans “Nature Communications”

L’université de Boston veut aussi rassurer en précisant que ces recherches ont été menées dans des laboratoires de “niveau de biosécurité 3” : « Toutes les études se déroulent dans une enceinte de biosécurité, les chercheurs entrant dans leur espace de travail par une série de portes verrouillées. Tous les sols et murs sont scellés et le laboratoire est équipé d’une technologie sophistiquée de filtration et de décontamination. Et si les chercheurs avaient vu quelque chose d’anormal pendant l’étude, ils l’auraient immédiatement arrêté et signalé.”

Si les recherches sur le gain de fonction impliquant des agents pathogènes infectieux soulèvent des questions légitimes, on peut être surpris de l’attention portée à l’étude de Boston, alors que des travaux similaires mais plus importants sont publiés sans générer la moindre réaction médiatique. En effet, fin septembre, une équipe chinoise présenté dans le journal communication nature les résultats d’expériences menées avec plusieurs virus hybrides, intégrant dans un Sars-CoV-2 ancestral les protéines de pointe des variants alpha, bêta, gamma, kappa, delta, lambda, omicron et N.1.618.

Avec les réserves habituelles liées au fait que ces résultats n’ont pas encore fait l’objet d’une revue par les pairs, Bruno Canard juge l’expérience menée dans le laboratoire de Boston, “qui s’est déroulée dans de bonnes conditions de sécurité”, “permet d’obtenir des informations scientifiques intéressantes”. “Cela montre qu’il existe des mutations supplémentaires dans le squelette du virus qui jouent un rôle dans l’augmentation de l’immunité innée, ou la capacité des virus à se répliquer, etc.”

pourquoi cette étude « Elle a été réalisée sur des virus qui circulent déjà, dont on connaît déjà le spike et le squelette, et auxquels des populations ont déjà été exposées », Bruno Canard juge cette enquête “Clairement beaucoup moins inquiétant que les autres.” « C’est remarquablement beaucoup moins dangereux que d’aller chercher de nouveaux virus, souvent dans des conditions de sécurité mal définies, pour les ramener au laboratoire et leur faire franchir la barrière des espèces pour déterminer s’ils passeront un jour. pour l’homme.”Un type de recherche qui, insiste-t-il, “n’a jamais permis de prévoir une épidémie”,et revient, selon lui, “chercher une fuite de gaz avec un briquet”.

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