« Souffle » : Chez Orange, les salariés peuvent s’absenter un an alors qu’ils sont payés

Publié le 12 octobre 2022 à 7h00

Droit, cours d’anglais… Depuis juin, Brehima Diarra, 35 ans, suit une formation à l’Institut préparatoire au métier d’agent de football à Paris. « Je préfère accompagner mes frères, l’un est joueur professionnel au Toulouse Football Club et l’autre aspire à l’être. Pour être agent de joueurs il faut une licence, c’est pourquoi je participe à cette formation.développer.

Pendant ses onze mois sur le banc de l’école, Brehima Diarra est payé par… Orange, groupe où il a été recruté en 2011. Cependant, le cursus qu’il suit n’a rien à voir avec son travail de commercial dans les télécommunications.

Si cela est possible, c’est parce que le groupe Cac 40 expérimente un nouveau programme : un “permis de repos” qui permet à ses salariés de s’absenter de trois à douze mois, en percevant 70% de leur salaire. Un dispositif lancé en janvier 2022, mais pensé avant même les confinements.

« On constate une forme de burn-out chez certains salariés qui nous ont rejoints il y a longtemps et qui semblent un peu perdus quant à leur avenir dans l’entreprise. L’idée est de leur donner l’opportunité de réfléchir à la manière dont ils souhaitent gérer le reste de leur voyage avec nous.résume Gervais Pellissier, DRH du groupe.

Exercer dans une autre entreprise

Cependant, il ne s’agit pas de faire le tour du monde en bateau en famille. “Pour bénéficier de ce programme, les salariés doivent adhérer à des structures ou des programmes qui contribuent à l’intérêt général”dit Gervais Pellissier.

Ils peuvent participer à une association ou une ONG, enseigner, se former (par exemple, l’un est inscrit à un cours de philosophie, un autre à un programme pour devenir coach sportif), ou encore exercer… dans une autre entreprise ! Mais pas n’importe qui. “Il ne s’agit pas de fournir de la main-d’oeuvre gratuite aux entreprises qui peuvent se le permettre, souligne Gervais Pellissier. L’idée est d’apporter l’expérience de nos collaborateurs aux structures qui en ont besoin, qui démarrent leur activité ou qui se relancent après un plan de sauvegarde par exemple. » Si la structure qui accueille les salariés s’engage à les rémunérer, leur rémunération totale ne doit toutefois pas dépasser celle qu’ils ont initialement perçue chez Orange.

“Revenir plus motivé”

Ce permis a été conçu pour tous les salariés de l’entreprise, quel que soit leur poste, cadre ou non. Seules conditions pour y prétendre : avoir au moins dix ans d’ancienneté et être en fonction depuis au moins un an. Pour postuler, les salariés constituent un dossier de justification de leur départ, dossier examiné par une commission interne. “La hiérarchie d’un salarié ne peut pas s’y opposer, il peut simplement reporter le projet d’un an si le délai n’est pas optimal, par exemple si un ingénieur travaille sur un gros dossier”dit Gervais Pellissier.

Pour l’instant, ce programme est limité à 250 salariés par an, sur les 76 000 que compte le groupe en France. Si la direction trouve les résultats concluants d’ici la fin de l’expérimentation en décembre 2023, elle envisage de l’étendre à 1 000 salariés par an et de la pérenniser. Et pourquoi pas, l’étendre aux salariés qui ont moins de dix ans d’ancienneté.

A ce stade, 80 salariés en ont bénéficié. En cas d’absence, Orange garantit qu’ils retrouveront le même poste ou un poste équivalent. Mais leur permettre de faire une pause ne risque-t-il pas de perdre des salariés qui trouveraient l’herbe plus verte ailleurs ? Trop tôt pour le dire, car aucun employé parti n’a terminé son congé de respiration. « En voyant autre chose, certains retrouveront le goût d’être avec nous et reviendront plus motivés. D’autres vont se dire : ‘Enfin non, je veux autre chose qu’Orange’. Je ne serais pas triste s’ils décidaient de s’épanouir ailleurs.”assure Gervais Pellissier, DRH.

développer de nouvelles compétences

La vérité est que cette période loin de leur employeur permet à certains de mieux comprendre leurs attentes. Exemple avec Delphine Ponge, 37 ans. Avant de devenir UX designer en 2021, elle a passé cinq ans dans le domaine des ressources humaines. « Des années intenses. J’avais besoin de faire une pause. »

Depuis juin et pendant un an, il collabore avec Valentin Haüy, une association qui vient en aide aux personnes en situation de handicap visuel. Ateliers, rencontres avec des partenaires… Il passe la moitié de son temps à se réunir en extérieur, alors qu’il travaillait jusqu’alors exclusivement derrière un ordinateur. « Je me retrouve à découvrir une autre façon de travailler, que j’aime mieux. Quand je reviendrai dans l’entreprise, j’aimerais essayer de maintenir ces conditions de travail », elle explique. Cette expérience permet également de mieux se connaître et de développer de nouvelles compétences.

Même constat pour Brehima Diarra. Vendeur pendant onze ans, il commence à trouver son quotidien répétitif et se sent épuisé. Il y avait “le sentiment d’arriver à la fin d’un cycle” et voulu voir autre chose, sans vraiment savoir quoi. “Ma formation me fait beaucoup de bien, et j’y vois plus clair”, il sourit. Deviendra-t-il agent de joueurs à plein temps ? Non. Elle dit vouloir s’occuper de sa fratrie en parallèle de son travail chez Orange. En revanche, il aimerait évoluer vers un autre poste, et hors de la région parisienne. « Le cours que je suis me donne la confiance nécessaire pour travailler à l’étranger, notamment grâce aux cours d’anglais. » Il se voit partir en Côte d’Ivoire ou au Sénégal, et occuper un poste de chef de projet pour argent orange, le service de transfert d’argent par paiement mobile du groupe. A écouter ces deux salariés, Orange semble avoir fait le bon choix : trouver des salariés motivés et heureux de faire partie de la maison.

et ailleurs?

Société de conseil et de technologie Accent a mis en place en mai 2021 le “congé de priorité personnelle”, un congé de trois mois pendant lequel ses salariés peuvent s’absenter en percevant la moitié de leur salaire. Chaque salarié ayant cinq ans d’ancienneté peut en bénéficier, quel que soit son poste, sans avoir à préciser la nature de son projet. Entre septembre 2021 et août 2022, environ 110 salariés en ont bénéficié, sur les 10 000 du groupe en France.

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