Lors de sa visite, vendredi soir, au Grand Palais Éphémère, le Chef de l’État a salué la nouvelle édition de Paris + par Art Basel qui, en supplantant la Fiac, s’impose comme «une vraie foire de niveau internationale» dans la capitale.
La ville lumière retrouve sa splendeur ! Tous les regards sont braqués sur elle. Et l’on ne peut que se réjouir de voir Paris se placer à nouveau au centre de la compétition internationale du marché de l’art. Pour marquer ce retour en grâce, le président Emmanuel Macron a marqué le coup, par sa visite vendredi soir, au Grand Palais Éphémère, pour la foire d’art moderne et contemporain sous la nouvelle bannière Art Basel. Triomphante, elle flotte avec ses bannières cinétiques à la François Morellet, lignes rouges sur fond violet, sur tous les grands axes de la capitale.
La machine de guerre suisse qui a renversé sans ménagement la Fiac a clairement réussi, grâce à sa formidable logistique, sa force de frappe de marque et son vaste réseau, à élever cet événement artistique à un niveau inégalé. “JEJe remercie Chris Dercon, président de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais et les équipes d’Art Basel d’avoir réinventé une véritable foire internationale à Paris» a déclaré dès le début, le Président de la République. La messe a été dite. Paris + by Art Basel a démarré son moteur pour rendre la FIAC inoubliable. L’événement tant attendu par tant de Parisiens depuis 1974, avec une identité bien française que l’on ne retrouvera plus mais qui, dans une mondialisation croissante, devait passer à un niveau supérieur, pour faire rayonner la France.
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Au-delà d’une opération médiatique que personne n’a ratée, la visite d’Emmanuel Macron au Grand Palais Éphémère est un signal fort pour la culture. Rares sont les présidents qui ont visité une foire d’art. “Pour connaître un tel événement, il faut remonter à François Hollande, en 2014, à partir du moment où Emmanuel Macron, encore méconnu du grand public, mais reconnu pour sa ligne social-libérale, avait été nommé ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique » Chris Dercon a précisé. Un fin stratège, le Belge, à la stature imposante et aux cheveux blancs, a effectué la visite, main dans la main, avec le chef de l’Etat, pendant près de deux heures, jusqu’à plus de 20 heures, après la fermeture des portes. Il y avait encore une foule prenant des photos du président, avec leurs iPhones, ces derniers se serrant la main, visiblement heureux de cette montée en popularité. Sa femme Brigitte Macron, passionnée d’art, avait fait de même la veille.
Plus grand et plus fort en 2024
C’est Chris Dercon qui a quitté le navire, non sans bruit, pour rejoindre, en tant que PDG, la Fondation Cartier pour l’art contemporain (il prendra ses fonctions le 19 décembre) qui a fait entrer le loup Art Basel dans la bergerie. Regards et échanges complices tout au long de la visite qui en disent long sur ce coup d’Etat qui a abouti à l’éviction de la Fiac, après une offre éclair, l’an dernier. Celui qui n’était président de la RMN-Grand Palais que depuis le 1er janvier 2019, à son arrivée, tout a brusquement basculé, pour imposer les travaux pharaoniques de transformation du monument historique du Grand Palais, en vue des Jeux olympiques de 2024. Paris+ Art Basel pourra s’y déployer dans une plus grande dimension, avec plus d’exposants, et montrer encore plus de quoi il est vraiment capable.
Accompagné de sa ministre Rima Abdul-Malak, une Française de nationalité libanaise, Emmanuel Macron a eu le plaisir de serrer la main des exposants, tous au garde-à-vous sur leurs stands, vendredi soir. Elle était guidée par Marc Spiegler, “directeur mondial” d’Art Basel, et Clément Delépine, son jeune directeur qui a étudié à Paris Internationale, une foire off air dédiée à la scène émergente installée cette année au 35, boulevard des Capucines, dans le ancienne galerie photo de l’atelier Nadar, avec 59 galeries montantes de 26 pays.
Longue, très longue poignée de main avec Kamel Mennour, le sévère galeriste du marché français qui a installé son artiste germano-polonaise Alicja Kwade questionnant l’avenir du monde place Vendôme, dans le cadre du programme hors les murs de Paris + by Basel art. Le chef de l’Etat s’est longuement arrêté devant la vitrine historique de Giacometti, dont le galeriste dit ” s’être saigné les veines pour les acheter, à une époque où il n’avait pas d’argent“. Il regarda attentivement la carte de France, avec ses grands aplats de couleur, de Bertrand Lavier, artiste phare de la scène française qui eut les honneurs de la collection Pinault dans la Bourse de commerce rénovée par le japonais Tadao Ando, lors de son ouverture en 2021.
Sous la surveillance d’un important service de sécurité, Emmanuel Macron, qui revient tout juste du Conseil européen de Bruxelles, a pris son temps pour visiter la foire, malgré la crise qui couve en France et les problèmes du monde. Premier arrêt à la Galleria Continua où son co-fondateur Lorenzo Fiaschi lui a montré l’œuvre monumentale de l’artiste français d’origine algérienne Adel Abdessemed (sous les projecteurs de tout l’espace de la galerie du Marais). Arrêt chez Emmanuel Perrotin (absent pour urgence familiale), poids lourd du marché avec ses antennes à Shanghai, New York et Séoul, pour admirer les Français Laurent Grasso et Jean-Marie Apriou.
Puis, dans Chantal Crousel devant l’immense huile sur papier journal du Thaïlandais (qui travaille entre Berlin, New York et Bangkok) Rikrit Tiravanija, évoquant la date de l’élection de Macron, le 25 avril 2022. Dans Applicat Prazan, où trône Georges Mathieu, le roi français de l’abstraction lyrique, avec une toile rouge monumentale. Ou à Tornabuoni qui expose un musée fin de dieu de l’Argentin Lucio Fontana, une rare boîte verte en forme d’œuf troué, dont le prix de vente, proche de 30 millions de dollars, démontre le haut niveau de qualité de la foire. Toutes ont des espaces à Paris, à commencer par ce dernier, avenue Matignon, quartier récemment investi par d’importantes galeries françaises et étrangères, à deux pas de Christie’s, Sotheby’s et Artcurial.
Nous nous sommes finalement arrêtés, après un long et courageux détour par le secteur des galeries émergentes, à l’Aquavella de New York, qui s’est également dotée de grands poids lourds : un nu avec châle vert par Henri Matisse pour 45 millions de dollars et un portrait d’homme par Francis Bacon à 22 millions de dollars. Dernier arrêt chez Georges Philippe et Nathalie Vallois qui avouent “ayant tenu sa meilleure foire depuis de nombreuses années en vendant trois œuvres de Peter Stämpfli, peintre suisse du mouvement Pop Art et Figuration Narrative, à des collectionneurs et musées chinois». La tournée imposée par le Président devait s’arrêter chez les galeristes parisiens Daniel Templon et Nathalie Obadia, situés au fond, à l’extrême droite de l’entrée, loin du carré d’or des poids lourds internationaux. Mais ils n’ont pas eu la patience d’attendre, malgré les appels pour les ramener…
«En quelques mois, le savoir-faire d’Art Basel et de ses équipes, que je remercie, ont su mettre en place une foire qui est un véritable succès. A la fin de cette semaine, en s’interrogeant, tout le monde a pu le lire, Emmanuel Macron a conclu. C’est le témoignage d’années et d’années de travail qui ont permis de consolider la force des galeries parisiennes et provinciales également présentes. Quand j’ai reçu la Fiac à l’Elysée, il y avait cette peur du vide, du changement. L’audace collective a su réinventer quelque chose ensemble et montrer que Paris est une grande place pour l’art moderne et contemporain. Ce que nos compatriotes et le monde entier ont pu voir ici, avec un public très international, permet aux artistes d’être pleinement montrés et, de manière plus manifeste, quand ils retourneront dans la maison mère du Grand Palais rénové, d’ici à deux ans” ajoutée.
Paris + by Art Basel se devait d’investir le capital là où l’offre muséale publique et privée attire tous les étrangers. Cela vous profite beaucoup, avec l’effet de curiosité que peut susciter une nouvelle foire. “Du Quai Branly au Centre Pompidou, en passant par le Louvre, Paris est l’épicentre de l’art, avec cette capacité à présenter –travaille et fait circuler les talents, multipliant les synergies et les transversalités, de l’art à la musique, a observé Emmanuel Macron. Les établissements français travaillent ensemble, collaborent avec des établissements privés. De la Bourse de Commerce, à la Fondation Vuitton et Cartier, bientôt dans l’enceinte du Louvre des antiquaires, mais aussi des galeries qui migrent du Marais vers le VIIIe arrondissement, il y a un Paris recomposé, une sorte de carte tendre qui apporte l’art contemporain et l’essor », a observé Emmanuel Macron.
Face à l’éternel débat de la scène française en retard sur le marché international et au manque de représentation de nos artistes français dans nos institutions – Gérard Garouste, roi de la peinture figurative exposé jusqu’au 2 janvier 2023, au Centre Pompidou, était un coriace- bataille menée par son galeriste Daniel Templon ! – , le Président se veut positif. Nous développons des résidences d’artistes avec la Villa Albertine aux Etats-Unis, c’est un exemple ! il explique. Et quand on a réuni le tigre en mai 2020, si je puis dire, pour soutenir la création artistique, on a lancé le “Nouveaux mondes”avec un comité artistique présidé par Bernard Blistène, ancien directeur du Musée national d’art moderne, qui a sélectionné 264 projets, dont une bonne partie a été réalisée “. La France n’a pas dit son dernier mot. Mais elle a encore du chemin à parcourir pour reconquérir des territoires. Et, surtout, rattraper son retard sur un marché de l’art dépassé et ultra-concurrentiel, dominé pour l’instant par les États-Unis.
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