Mon avis sur Sartorius, Novacyt, Gensight, Theradiag, Genfit, Valneva, Poxel… et les autres !, Chat

Anne Barloutaud : Bonjour à tous, je suis heureuse de vous retrouver pour ce chat dédié aux biotechnologies. Ce secteur, mis à l’honneur avec la crise sanitaire, a beaucoup souffert cette année. Le retour de l’aversion au risque a été encore plus sensible ici que pour les autres valeurs, car ces sociétés de recherche ne génèrent pas de chiffre d’affaires et elles génèrent des pertes… Donc les actions, par définition, sont très risquées.

Pour les questions qui ne sont pas liées au secteur de la santé, Rémi Le Bailly ou Denis Lantoine se feront un plaisir de vous répondre dès la semaine prochaine.

Le secteur enregistre une baisse moyenne de plus de 35% depuis le début de l’année, avec des chutes proches de 80% chez certains d’entre eux. Ces start-up sont avides de liquidités et ont un besoin vital de capitaux – un élément qui peut devenir problématique dans le climat actuel de hausse des taux d’intérêt et d’investisseurs prudents.

Le cabinet de conseil Biomed-Impact a identifié un portefeuille de 207 programmes en cours pour les biotechs françaises cotées, du préclinique à la commercialisation, pour un montant total de 5 milliards d’euros. La moitié sont à un stade précoce de développement. Parmi les plus avancés, qui sont en phase clinique 3 ou d’enregistrement, on peut citer AB Science, DBV, Gensight, Innate, Nicox, Valneva, Medincell et Quantum Genomics. Ainsi, une dizaine de résultats de phase 3 sont attendus dans les 12 prochains mois.

Pour clore cette introduction, je vous rappelle que le risque est souvent binaire en biotechnologie et que la probabilité d’échec est encore de 40% en phase clinique 3 (la dernière avant le dépôt du dossier auprès des autorités de santé). Les annonces cliniques sont des catalyseurs à la fois à la hausse et à la baisse… L’investissement reste donc très spéculatif.

Triard : Bonjour Anne, pouvez-vous me donner vos arguments pour inclure Pfizer dans votre Invest 10 ? Merci.

Anne Barloutaud : Ce chat est plus dans la biotechnologie que la grande pharma. Cependant, quant à Pfizer, le numéro un mondial de l’industrie pharmaceutique, nous l’avons inclus dans notre Invest 10 en raison de sa forte croissance attendue cette année (+24%). Le groupe continue de bénéficier d’un fort effet Covid, grâce au vaccin et à la pilule anti-Covid, qui au total pourraient lui assurer un chiffre d’affaires de 54 milliards d’euros en 2022. Les autorités américaines viennent d’autoriser une dose de rappel ciblant spécifiquement le Variante Omicron. Le groupe est mal valorisé, avec un PER d’un peu plus de 7 et un rendement de 3,7%.

Kimmo : Bonjour Madame Barloutaud, j’aimerais connaître votre point de vue sur l’évolution de Sartorius Stedim. En effet, une baisse de 25% sur le dernier mois annoncerait-elle un avenir incertain ? Avec mes sincères remerciements.

Anne Barloutaud : Sartorius Stedim, qui est un industriel, un fabricant d’équipements pour la production de médicaments biologiques, est aussi un peu hors sujet. Mais, malgré sa baisse de 30% depuis le début de l’année, rassurez-vous !

Les marchés ont particulièrement puni les actions Covid, dont les valorisations avaient grimpé en flèche. Les résultats du semestre sont très bons : les revenus progressent de 22% et la marge d’Ebitda reste à un niveau élevé de 35,2%, malgré une normalisation plus rapide que prévu des revenus liés aux vaccins Covid.

Les objectifs annuels d’augmentation du chiffre d’affaires de 15% à 19% et d’une marge d’EBITDA d’au moins 35% sont maintenus, proches du record de 2021. Nous continuons de penser que la récurrence de 80% d’activité sur le marché défensif, au milieu de l’essor des traitements biologiques, offre une visibilité rare.

Lilith : Bonjour, votre compétence est grandement appréciée. Merci également de m’avoir donné votre avis sur Novacyt : possible nouvelle proie après Theradiag ? Qu’en est-il de Genomic Vision, qui a chuté si injustement ?

Anne Barloutaud : Nous sommes séparés de Novacyt et de Genomic Vision. Novacyt a profité des ventes test covid en 2020 et son prix a atteint des pics autour de 13 euros, pour retomber aux alentours de 1 euro.

Les différends avec le ministère britannique de la Santé (DHSC) inquiètent les investisseurs. Medtech a enregistré une baisse de 73% de ses ventes au premier semestre. Le titre nous semble trop risqué. Genomic Vision, qui a connu de sérieuses difficultés de trésorerie, utilise des financements très dilutifs et ses programmes en sont encore à un stade très précoce.

Epictète : Bonjour Anne, dans les 2 PEA de mon épouse et moi nous avons : Abionyx, Innate, Valbiotis, Abivax, Gensight et Ceyliad. Quels sont les 3 titres sans grand avenir que je peux vendre ? Merci pour vos compétences.

Anne Barloutaud : Des six sociétés que vous citez, Gensight Biologic nous semble avoir le potentiel le plus court terme. La biotech est sur le point d’homologuer sa thérapie génique en ophtalmologie, Lumevoq. Les problèmes de production semblent résolus. Les autorités sanitaires européennes doivent rendre leur verdict au second semestre 2023.

Innate nous semble toujours intéressant. La société dispose d’une trésorerie importante, d’un partenariat prometteur avec Astrazeneca et d’un très large portefeuille en oncologie basé sur des approches d’immunothérapie très innovantes.

Abivax conserve également du potentiel, grâce à une technologie éprouvée. Les résultats de phase 2 étaient de haute qualité pour ABX464 (Obefazimod) dans la rectocolite hémorragique. Toutefois, l’entreprise devra se refinancer en 2023 pour assurer le développement de la phase 3 dans cette indication, si elle ne trouve pas de partenaire.

Pour Valbiotis, il convient d’attendre le premier semestre 2023, pour connaître les résultats de l’essai de phase 2/3, qui évalue le produit Totum-63 dans le prédiabète.

Vous pouvez libérer Celyad, dont les essais sont à un stade très précoce.

Derby : Bonjour, que pensez-vous de la récente OPA de Biosynex sur Theradiag ? Le prix de 2,30 euros vous semble-t-il approprié ?

Anne Barloutaud : En effet, Biosynex a déposé une offre sur le capital de Theradig, dont elle n’est pas propriétaire. L’entreprise, qui s’est bien comportée grâce à ses autotests contre le Covid, a généré plus de 100 millions d’euros de bénéfice en 2021. Pour cette raison, elle cherche à compléter son offre de produits et à acquérir de nouvelles technologies, ou réseaux de distribution.

En novembre 2021, Biosynex avait déjà acquis, de manière vraiment non consensuelle, 25% du capital de Theradiag (à 1,22 euro), dans le cadre de l’augmentation de capital lancée par cette dernière. Il est à noter que le Conseil d’administration de Theradiag a accepté à l’unanimité le projet d’OPA.

L’opération offre une prime de 58 %. Sachant que Theradiag, société de théranostic (tests qui accompagnent les biothérapies), entrée en bourse il y a 10 ans (à 5,80 €, soit plus du double de l’offre actuelle), n’est jamais parvenue à être rentable, il est difficile de faire un bilan.

Cependant, je vous conseille d’en profiter pour mettre vos actions en offre, en attendant le jour de la décision de conformité de l’AMF, vers le 8 novembre. Ceux qui préfèrent continuer à parier sur Theradiag pourront rester actionnaires car il n’y a pas de plan de retraite forcée, quel que soit le taux de participation de Biosynex à l’issue de l’opération.

Frediimac : Bonjour Anne et merci pour cette conférence sur la biotechnologie. Quel avenir pour Genfit aujourd’hui ? Est-ce toujours une biotechnologie de premier choix pour nous ? Merci d’avance.

Anne Barloutaud : Genfit a réalisé une opération majeure en 2021, en signant un accord important avec Ipsen, qui accorde au laboratoire une licence exclusive pour son produit phare Elafibranor dans la cholangite biliaire (CBP), une maladie rare et grave du foie. L’accord prévoit jusqu’à 480 millions d’euros de paiements d’étape, dont 120 millions d’euros ont été versés immédiatement à Genfit. Dans le même temps, Ipsen est entré au capital de la biotech à 8% pour 28 millions d’euros, ce qui correspond à un prix payé de 7€ par action : il en vaut actuellement la moitié…

Genfit a récemment annoncé l’acquisition de la société suisse Versantis, dont le candidat-médicament le plus avancé, VS-01, entrera en phase 2 dans l’indication de restauration de la fonction hépatique. Cette acquisition, qui complète le portefeuille des maladies hépatiques graves, semble stratégiquement pertinente. Genfit apparaît désormais sous-évalué compte tenu de l’acquisition d’Ipsen et de sa solidité financière.

Alain : Bonjour Madame Barloutaud, à propos de l’action POXEL, qui vient de publier ses résultats semestriels, ainsi que de la présentation des premiers résultats de DESTINY-1, qui sont encourageants : vu la chute de ces derniers jours, évidemment les investisseurs n’ont que les résultats, dont la perte a augmenté, ne sont pas pris en compte. Êtes-vous optimiste de voir le titre remonter ? En vous remerciant pour vos précieux conseils.

Anne Barloutaud : L’action fut, en effet, fortement attaquée. Pourtant, Poxel fait partie des entreprises qui semblent avoir de l’avenir. Des données cliniques de phase 2 récemment publiées pour le traitement par PXL065 chez Nash ont montré une diminution significative de la masse grasse hépatique. D’autres données (histologiques), qui seront publiées prochainement, permettront à la direction de se prononcer sur l’entrée en phase clinique 3 du produit. La société poursuit également ses essais dans l’ALD, une maladie génétique héréditaire rare qui provoque un dysfonctionnement endocrinien sévère.

La biotech a été touchée par une certaine déception sur ses revenus liés à Twymeeg (Imeglimin), son médicament phare commercialisé en Japon depuis septembre 2021 par le partenaire Sumitomo dans le diabète de type 2. Ils sont sortis très modestes, du fait de la réglementation spécifique au Japon, qui impose un maximum de seulement deux semaines de prescription pour les nouveaux traitements durant la première année de commercialisation. Ainsi, les ventes de Twymeeg devraient être beaucoup plus importantes à partir de 2023. Nous restons positifs sur la valeur, à titre spéculatif, avec un objectif de 3 €.

Genbil : Quel est votre point de vue sur l’abandon du vaccin Covid en Valneva, en particulier pour l’Europe, lorsque vous avez reçu tous les CA nécessaires ? Merci.

Anne Barloutaud : Valneva a mis fin à sa collaboration avec IDT Biologika dans la fabrication de son vaccin VLA2001 contre le Covid-19. La réduction du volume des commandes pour le Commission européenne et l’arrêt de la production de vaccins en sont les principales raisons. Pour autant, le vaccin Covid n’est pas abandonné.

Valneva a annoncé ce matin être entré en discussion avec un éventuel partenaire pour obtenir un financement pour la poursuite du programme Covid-19, afin de pouvoir développer un vaccin de seconde génération. Ces discussions pourraient se poursuivre pendant plusieurs mois mais également échouer, a indiqué la société.

Des résultats importants de VLA2001 en rappel hétérologue sont attendus avec impatience en fin d’année et s’ils sont bons ils pourraient changer la perception du vaccin dont les résultats, dans le cadre d’une vaste étude menée au Royaume-Uni, n’avaient pas été confirmé Je n’ai pas été convaincu par les rappels après une primo-vaccination par ARN messager.

Valneva a commencé les livraisons de son vaccin Covid-19 aux États européens qui en ont fait la demande. Cependant, des stocks déjà établis restent à vendre et l’entreprise espère le faire sur les marchés internationaux. En l’absence d’acheteurs, ces produits à péremption assez courte seraient perdus, ce qui signifierait une perte de valeur qui oscillerait, selon les analystes, entre 100 et 140 millions d’euros.

Valneva disposait de 336 millions d’euros de trésorerie à fin juin. La société a un grand potentiel avec le développement de ses vaccins contre la maladie de Lyme et le chikungunya. Son activité historique, les voyages bovins, reprend avec le retour des voyages. Les risques liés au vaccin Covid nous avaient conduit à vendre en juin. Nous restons à l’écart pour l’instant.

Nous approchons de la fin de cet entretien. J’espère avoir pu répondre à vos questions. C’est Denis Lantoine que vous rencontrerez la semaine prochaine à la même heure. Je vous souhaite une très bonne soirée.


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