Pourquoi les médias n’en parlent-ils pas ? Alors qu’on salue l’ouverture de parcs de production d’électricité décarbonée pour limiter l’usage des énergies fossiles avec beaucoup de soutien de communication et de propagande VERTE de l’Europe et des états comme l’Allemagne, la Belgique et la France, il n’en est rien ! Pas un mot des médias sur l’atteinte de 100% de puissance dans le plus grand réacteur de production d’électricité bas carbone d’Europe et le plus sûr du monde. 1600MW électrique, désolé ! En pleine crise du gaz en Russie, pas un mot de cette bonne nouvelle pour les défenseurs de la lutte contre le réchauffement climatique et de la limitation des énergies fossiles.
Alors parlons-en. Un peu d’histoire sur la construction d’Olkiluoto 3 (OL3), l’EPR finlandais.
La signature de la décision de construire un EPR en Finlande remonte à 2003. Le chargement du combustible a eu lieu le 26 mars 2021, la divergence du réacteur en décembre de la même année. Les premiers MW électriques ont été fournis au réseau en janvier 2022 et le réacteur a finalement atteint sa pleine puissance le 30 septembre, après tous les tests de qualification aux différents niveaux de puissance et ayant déjà produit plus de 1 TWh !
Après les 2 EPR de Taishan en Chine, voici le 3la EPR en exploitation dans le monde entier. Mais au fait, qu’est-ce qu’un EPR ? C’est un réacteur à eau sous pression, comme les 58 réacteurs du parc nucléaire français, qui ont une durée de vie de plus de 2 000 ans. Il intègre également tout le retour d’expérience des accidents nucléaires dans le monde avec 4 trains de sauvegarde du cœur indépendants et redondants (1), contre seulement 2 dans les réacteurs de génération précédente. L’EPR est conçu pour gagner 1 facteur 10 sur la probabilité que le cœur ne fonde pas, sur une durée d’utilité de 60 à 80 ans et une disponibilité de 93 %. Il incarne la « génération III ».
Qu’est-ce qui explique le long temps de construction ?
- Tout d’abord, il faut se référer à la définition de ces 3 lettres, EPR, European Pressurized Reactor. “E” pour l’Europe est devenu plus tard Évolutionnaire. Fruit d’une co-conception franco-allemande, au niveau des industriels, ainsi que des autorités nucléaires respectives, enrichie des cahiers des charges industriels des clients potentiels européens, fédérés dans 1 Club appelé EUR European Utilities Requirements piloté par EDF (Iberdrola , RWE, Vattenfalls , ENEL, British Energy en faisaient partie). Bref, finalement environ 12 acteurs.
- Au début, avant même le premier pic, nous devions décider qui allait construire ce 1c’est EPR européen, EDF, AREVA, SIEMENS ? Enfin, la construction de l’EPR finlandais a été réalisée par un consortium Franco-allemand AREVA & SIEMENS sur la base d’un prix de lancement fixe et compétitif, car nous étions dans l’après-Tchernobyl, avec peu de projets nucléaires dans le monde. Après l’accident de Fukushima en 2011, la politique nucléaire allemande a radicalement changé politiquement. SIEMENS a changé ses priorités, faisant de son activité nucléaire une ultraminorité. La même chose s’est produite avec tous les fournisseurs allemands, qui ont vu cette industrie s’arrêter à toute vitesse avec l’« EnergieWende », la transition énergétique allemande. La société AREVA a continué à gérer seule le projet, mais a assumé 100 % des excédents financiers de cette 1c’est Réacteur européen EPR.
- Il convient également de mentionner les limites climatiques de l’hiver finlandais, particulièrement long et froid, avec des températures aussi basses que -25 °C. Pour mémoire, le béton ne peut pas être coulé en dessous de 1°C. Inévitablement, globalement, la durée de la première phase du projet a été doublée. Aussi, certains métiers, comme la soudure, ne peuvent se faire avec des mitaines par ces températures extrêmes.
- Parmi les difficultés collectives, l’Autorité de sûreté finlandaise STUK, qui a juridiction sur l’autre technologie nucléaire établie en Finlande, appelée REB à eau bouillante, a dû embaucher et surtout former ses inspecteurs au nouveau concept EPR. Cela a considérablement allongé la durée des instructions techniques et des relations constructeur/ASN, bloquant plusieurs fois l’avancement des travaux.
- Ces informations ne sont qu’un aperçu de la complexité d’un tel projet prototype qui comptait jusqu’à 6 000 employés de plus de 65 nationalités différentes sur le site.
Pourtant, le résultat est là, tous les acteurs se sont alignés pour un succès commun. L’Europe peut se féliciter des 1600MW sûrs et décarbonés qui nous empêcheront d’utiliser le gaz russe, s’il y en a, et surtout le charbon allemand. Ces 1600 MWe contribuent également à la sécurité et à la stabilité du réseau électrique, à travers la marge primaire à 15 min.
Une marge et une stabilité du réseau, qui plus est, sans cesse diminuées et fragilisées depuis des années par le retrait et la fermeture de quantités de moyens de production flexibles et contrôlables Superphoenix, Fessenheim, Doel, et tous les réacteurs allemands. Une marge nulle pour les moyens de production aléatoirement intermittents d’énergies renouvelables qui ne contribuent en rien à la stabilité du réseau, hormis les barrages hydroélectriques. Le risque d’évanouissement n’a jamais été aussi élevé !
Vive l’EPR OL3 !
(1) : Pour sécuriser le cœur en cas d’accident, la maîtrise de la réactivité, du refroidissement et du confinement du cœur nécessite un certain nombre de matériaux et de composants. Sur les réacteurs de génération précédente, tous ces équipements sont dupliqués et alimentés par 2 diesels de secours indépendants. Dans l’EPR, tous ces équipements de secours et diesel sont quadruplés. C’est ce qu’on appelle les 4 trains centraux de secours indépendants et redondants.
Par Auteur inconnu — Teollisuuden Voima Oy, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=459449
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