construire un nouveau terminal méthanier face au HavreIls visent à réduire notre consommation d’énergie de 10% en deux ans… Deux leviers actionnés par la France pour éviter les pénuries de gaz dans les hivers à venir, dans ce nouveau contexte géopolitique généré par la guerre en Ukraine. Un troisième s’ajoute : remplir au maximum nos capacités de stockage de gaz. “Nous visons 100% à la rentrée”, a lancé Elisabeth Borne, la Première ministre, le 23 juin dernierlors d’une visite au centre national de contrôle du gaz d’Ile-de-France.
Ce mercredi 5 octobre nous y sommes. Après la Belgique et le Portugal, la France est devenue le troisième pays européen à avoir ses gisements de gaz remplis à 100 %, a annoncé, par voie de communiqué, la Commission de régulation de l’énergie (CRE)mais aussi magasinage et Téréga, qui exploitent des sites de stockage en France. Ils sont au nombre de onze, toutes les cavités souterraines dune capacité totale de 130 térawattheures (TWh).
Réservations très utiles
Cela couvre un tiers de notre consommation annuelle de gaz. D’autant plus si l’on ne regarde que l’hiver gazier, entre le 1er novembre et le 30 avril, période pendant laquelle notre consommation de gaz est plus importante et où les stocks s’épuisent. “Sur ces cinq mois, environ 300 TWh sont consommés en France”, précise Estibaliz González Ferrer, directeur de la stratégie et des ventes chez Storengy. « Le stockage de gaz contribue à plus de 50 % de nos besoins quotidiens lors des périodes de froid hivernal* », ajoute-t-il.
Cela montre l’importance stratégique de ces réserves, lors d’un hiver « classique », mais plus encore pour celui qui arrive. Car nous devrons nous passer du gaz russe qui représentait environ 17% des importations françaises avant le déclenchement de la guerre. Ce n’est pas la première fois que nous abordons l’hiver avec des réserves presque pleines. “C’était déjà le cas ces dernières années avec des taux de remplissage supérieurs à 90% à la mi-octobre”, précise Gilles Doyhamboure, directeur du commerce et de la régulation chez Teréga. “Ce qui est nouveau cette année, c’est que nous avons atteint des niveaux aussi élevés plus tôt que d’habitude”, poursuit-il. C’est très positif d’être serein sur l’état de notre stock bien avant l’hiver. »
Mais ils ne nous abritent pas d’un hiver compliqué
De quoi être un peu plus serein alors… Pourtant, ni Estibaliz Gonzalez Ferrer ni Gilles Doyhamboure ne nous disent qu’ils sont à l’abri d’un hiver difficile. pas plus queAnne de Crèteprofesseur d’économie à l’université Paris-Dauphine et directeur du Chaire d’économie du climat. « Ces stocks ne sont pas des réserves d’urgence dans lesquelles nous ne puiserions que si nous en avions vraiment besoin », dit-il. Nous savons que nous devrons les utiliser, non seulement pour couvrir les besoins français, mais aussi, éventuellement, ceux de nos voisins européens pour le compte de du principe de solidarité européenne. »
En d’autres termes, ces dépôts remplis à 100% ne doivent pas être considérés comme un “bonus”. GRT gazLe principal méthanier français et Teréga (qui transporte aussi du gaz) comptaient sur lui dans leurs perspectives pour cet hiver, publié le 14 septembre. Que l’hiver soit très froid ou moyen, sans vagues de froid marquées*, toutes les sources d’approvisionnement en gaz devront être mobilisées, concluent les deux sociétés. Il en existe trois : les interconnexions avec les gazoducs des pays voisins, les terminaux méthaniers (livraison de gaz naturel liquéfié par bateau) et enfin stockage.
Des réserves à conserver au maximum
Tout l’enjeu alors, souligne Anna Creti, est d’utiliser ces 130 TWh stockés le plus finement possible, “en soutien, dans la mesure du possible, des deux autres sources d’approvisionnement”. Avec cette difficulté, propre au gaz, “on ne peut pas puiser dans les réserves avec la même facilité qu’on le peut avec le pétrole”, poursuit le professeur d’économie. Une question de pression, explique Gilles Doyhamboure. “Plus ces réserves sont vidées, plus la pression est faible et plus la puissance d’extraction diminue, ce qui réduit alors notre capacité à mobiliser rapidement cette ressource en cas de pics de consommation”, précise-t-il.
Ce n’est pas un détail, surtout si nous connaissons des coups de froid tardifs l’année prochaine, comme cela n’est pas rare en avril, et que le stockage du gaz est déjà en cours. D’où l’impératif de préserver au maximum les réserves. Cela dépend moins de Storengy et de Teréga. “Ce sont les commercialisateurs de gaz – qui alimentent aussi ces stocks – qui décident quand recourir à ces réserves”, rappellent Gilles Doyhamboure et Estibaliz González Ferrer. Le problème, précise ce dernier, est que ces fournisseurs pourraient n’avoir d’autre choix que d’utiliser ces stocks très prochainement, « en cas de vagues de froid précoces pour lesquelles les autres sources d’approvisionnement ne seraient plus suffisantes pour répondre à la demande de gaz. “. .
C’est tout l’appel que Storengy et Teréga ont réitéré ce mercredi : même avec le stockage à 100% plein, “en aucun cas il ne faut relâcher les efforts de sobriété”, réagit Pierre Chambon, directeur général de Storengy France. Elisabeth Borne devrait le répéter ce jeudi matin, en présentant le plan de confinement énergétique que le gouvernement prépare depuis cet été.
* Pour la vague de froid des 5 et 6 janvier 2021, 66 % du gaz consommé provenait du stockage, illustre Storengy. Ce dernier fournissait aujourd’hui 40 % d’énergie en plus que le parc nucléaire français.
**GRT Gaz et Teréga avaient travaillé sur deux scénarios. Celui d’un hiver moyen sans vague de froid marquée montre un système globalement équilibré, sans déficit en gaz. “Pourtant, il y a peu de marge de manœuvre, surtout les jours de plus grande consommation”, précisent les deux transporteurs de gaz. Dans le second, celui d’un hiver très froid, « le déficit hivernal peut atteindre 16 TWh, ce qui représente 5 % de la consommation hivernale, un niveau qui peut être absorbé en atteignant les objectifs de sobriété fixés par les pouvoirs publics.
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