C’est une histoire vraie. Celui d’Amin, un jeune homosexuel afghan qui a dû fuir son pays vers le Danemark à la fin des années 1980. Dans le documentaire d’animation Fuyez (s’enfuir en français) réalisé par son ami d’enfance, le franco-danois Jonas Poher Rasmussen, l’homme dévoile pour la première fois sa dangereuse course vers la liberté. Sélectionné au Festival de Cannes 2020, le long métrage plonge dans le passé du réfugié et analyse les conséquences dramatiques de l’exil sur son enfance et ses relations.
Cheveux châtains, barbe de trois jours et grain de beauté au menton, Amin est dessiné allongé sur un tapis aux motifs orientaux. Tel un documentaire classique, il s’apprête à répondre aux questions de son ami et réalisateur Jonas Poher Rasmussen. Une ardoise de cinéma applaudit le début du plan et l’homme commence par raconter en danois, dans un débit lent et articulé, un de ses souvenirs d’enfance à Kaboul. Le témoignage est vrai, la voix elle-même est celle du jeune Afghan, extraite d’enregistrements captés par le réalisateur lors d’entretiens menés ensemble.
“J’ai utilisé la technique d’entretien que j’utilise depuis des années, explique Rasmussen dans un communiqué de presse présentant le film. Les répondants s’allongent et ferment les yeux, se souvenant de l’apparence, de l’odeur et de la sensation des choses, de sorte que leurs souvenirs deviennent forts et immédiats, comme s’ils se déroulaient dans le présent.” Impression qui se transpose à l’écran. Dès les premiers mots prononcés par Amin, les notes de Chevauche moi chanté par A-ha résonne. Elles transportent le spectateur dans un univers similaire aux images du clip vidéo créé par le groupe de new wave norvégien.
Retour en 1985. Sur un fond beige comme peint à l’aquarelle, des silhouettes dessinées à larges traits noirs se succèdent spasmodiquement. Un garçon prend forme, un casque de baladeur rose sur les oreilles. Amin décrit ces premières années dans la capitale afghane entouré de ses frères et sœurs. Sans père. Disparue depuis le retrait des troupes russes en 1979. Les séquences dessinées sont entrecoupées d’images d’archives : journaux télévisés, mais aussi vidéos de l’époque. Au-delà de la vie personnelle du jeune homme, le documentaire traite de l’histoire mouvementée du pays.
“Je n’ai pas essayé de faire un film politique, indiqué Jonas Poher Rasmussen. Je voulais raconter l’histoire d’un ami, l’histoire universelle de quelqu’un qui cherche sa place. Mais mon point de vue a évolué, car son histoire a mis un visage humain sur une expérience vécue par des millions de personnes. Son histoire résonne clairement avec la situation actuelle du pays, sous le joug des talibans depuis 2021. L’exil d’Amin commence à Moscou, le seul pays qui accorde des visas – uniquement touristiques – aux Afghans. Là, la famille est cloîtrée dans un minuscule appartement, condamnée à regarder des feuilletons télévisés en boucle, dans l’attente d’une régularisation qui ne viendra jamais.
Il faut être discret pour ne pas être découvert par la police russe violente et corrompue. Amin décrit des tentatives d’évasion ratées en raison de passeurs sales et de conditions de voyage inhumaines. Juste avant son arrivée au Danemark, le dernier passeur, payé une fortune, lui donne un conseil : ne jamais dévoiler son identité ni son histoire, le condamnant à ne jamais être complètement lui-même. Avec ce documentaire “Amin a voulu tourner la page de son passé en y faisant face, car le traumatisme lié à son enfance crée une distance avec tout le monde dans sa vie.”commente Jonas Poher Rasmussen.
En particulier, son mari s’est rencontré au Danemark, Kasper. “Amin m’a confié à 17 ans qu’il était gay et que cela avait toujours fait partie de lui”, se souvient le cinéaste. Quand il était plus jeune, la chambre colorée d’Amin comportait une affiche de Jean Claude Van Damme. Elle regarde. “J’ai fantasmé sur lui” rires dans le documentaire. “Il m’a aussi parlé de la difficulté d’avoir à cacher son identité sexuelle en Afghanistan”, Explique Jonas Poher Rasmussen.
Aujourd’hui, Amin et son mari vivent heureux au Danemark. Un bilan qui a demandé des années de travail à ceux qui se sont sentis redevables à sa famille qui l’a laissé quitter Moscou seul et a financé son voyage. Pour leur rendre hommage, Amin a étudié sans relâche aux quatre coins du monde, sans jamais (re)se reposer. À la fin du documentaire, lui et Kasper emménagent dans une jolie maison. “Maison”un terme que le réfugié définit au début du film : “un endroit où je me sens en sécurité, où je peux rester et où je n’ai pas à partir.” Tout un symbole.
Le genre : documentaire d’animation
Écrivain: Jonas Poher Rasmussen
Durée : 1h23
Distributeur: grand et petit
Départ: 31 août 2022
Synopsis : Pour la première fois, Amin, 36 ans, jeune réfugié afghan homosexuel, accepte de raconter son histoire. Allongé les yeux fermés sur une table recouverte d’un tissu oriental, il plonge dans son passé, entre l’innocence lumineuse de son enfance à Kaboul dans les années 1980 et le traumatisme de la fuite de sa famille pendant la guerre civile, avant la prise du pouvoir. par les talibans. Après des années cachées en Russie, Amin -un pseudonyme- arrive seul à l’âge de 16 ans au Danemark, où il rencontre le réalisateur qui devient son ami. Au fil de son histoire et de la douleur enfouie, l’émotion refait surface. Aujourd’hui brillant universitaire qui vit avec son compagnon danois Kasper, le jeune homme lui confie un secret qu’il cache depuis vingt ans.
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