La brillante idée de Luca de Meo pour relancer l’Alliance avec Nissan

La Renaulution continue… Méthodiquement et progressivement, Luca de Meo déroule près de vingt ans de convictions stratégiques et industrielles chez Renault. Après avoir revu la gamme, la politique commerciale, le management et la supply chain… voilà que le patron de Renault s’attaque à un totem absolu du groupe automobile français : l’alliance avec Nissan. Selon les échos, serait prêt à descendre au capital de la société japonaise dont il détient 44 % du capital depuis plus de vingt ans, pour accéder à une participation résiduelle de 15 %. Ce scénario est une rupture historique inattendue puisque cette participation était perçue comme un quasi contrôle sur Nissan. Elle a aussi été vécue comme la base de l’Alliance Renault-Nissan comme le voulait l’État français (qui détient 15 % de Renault), c’est-à-dire avec une domination de fait des Japonais par les Français.

Une alliance brisée mais nécessaire

Mais Luca de Meo n’agit pas dans l’ordre… Et surtout, il ne s’agit pas de mettre fin à l’Alliance avec Nissan, qui permet pourtant d’accéder à une échelle industrielle de 8 à 10 millions de voitures par an… Une autre dimension pour un Renault qui atteint un maximum de 3,5 millions d’immatriculations par an. Mais en réalité, l’Alliance est en déclin depuis plusieurs années… Officiellement depuis l’arrestation de Carlos Ghosn en novembre 2018 au Japon, officieusement, depuis la montée de l’Etat français au capital de Renault en avril 2015 avec l’affaire de le double droit de vote, et la volonté sous-jacente de prendre le contrôle de Nissan, c’est-à-dire au-delà de 50% du capital, suscitant la méfiance du Japon. Il était donc impératif de relancer l’Alliance avec Nissan… Mais sur de nouvelles bases.

L’idée géniale de Luca de Meo réside dans Ampère, cette filiale dédiée aux activités électriques et qui souhaite être cotée en bourse en 2023. Il s’agirait alors de transférer le centre de gravité de l’Alliance vers une nouvelle entreprise industrielle, en l’occurrence , l’électromobilité, qui nécessite des investissements importants, mais aussi des brevets.

« Les marchés sont tournés vers cette fameuse introduction en bourse qui est attendue en 2023. L’annonce d’un rééquilibrage de la participation permet de lever ce qui était devenu un frein à une Alliance qui ne fonctionnait plus assez bien. Renault est, pour conséquent, en train de s’affranchir de cette contrainte qui étouffait la prise de décision et l’innovation à l’heure où le marché joue de plus en plus avec la R&D », analyse Benjamin Sacchet, directeur associé et gérant de fortune d’Avant-Garden Investment.

“Ce plan peut rééquilibrer l’Alliance avec Nissan, c’est une question persistante, mais il fallait la clarifier pour avancer”Frédéric Rozier, directeur de Mirabaud, abonde. « Le plan serait de réallouer le capital vers les segments les plus rentables, notamment ceux liés à l’électrification. C’est une très bonne nouvelle. Cela permettra à Renault de retrouver des niveaux de valorisation attractifs, comme ceux que nous prévoyons vers pure player l’électromobilité comme Rivian, Lucid ou Tesla”il ajoute.

Le marché s’intéresse à nouveau à Renault

Il faut dire que la réaction du marché a été immédiate. L’action Renault a gagné près de 8% en début de séance lundi, au lendemain de l’article. fait écho. La valorisation de Renault est un vrai problème car à 9 milliards d’euros, il ne vaut guère plus que sa participation dans Nissan. Le groupe français souffre des très mauvais résultats obtenus jusqu’en 2020 et d’une comparaison défavorable avec l’autre société française, Stellantis, dont les ratios financiers sont bien plus élevés. Enfin, la conjoncture économique est particulièrement défavorable au secteur et pèse impitoyablement sur les retardataires… Mais il semble que Renault soit à un tournant…

« Renault est en avance sur son plan stratégique. Elle a déjà atteint les objectifs fixés pour 2025. Des objectifs de rentabilité proches de ceux de Stellantis sont désormais prévus. L’échéance rappelle celle que PSA avait trouvée au début du mandat de Carlos Tavares et dont il avait vu que l’entreprise se redressait très vite”, observe Frédéric Rozier. “Les opérateurs du marché ont soudain retrouvé leur appétit pour le titre Renault. C’est un vrai tournant, la perception du groupe a vraiment changé”, poursuit le dirigeant de Mirabaud.

“Renault est en train de corriger les problèmes qui limitaient son attractivité il y a un an, comme son actionnariat défaillant, un bilan compliqué et des capacités d’investissement réduites. Cela se traduit par un retour en faveur du marché.”explique Benjamin Sacchet. “Renault va se créer une marge de manœuvre financière qu’il lui reste encore à arbitrer dans son allocation : réduire la dette, redistribuer aux actionnaires, investir dans l’innovation… En tout cas, c’est une bonne nouvelle pour le groupe”conclut.

En attendant la journée des investisseurs

Mais Renault devra d’abord détailler le plan qui est attendu. Pour le moment, l’information n’est pas confirmée… Car si le groupe français a confirmé par le biais d’un communiqué qu’il y a de nombreuses conversations avec Nissan sur ces sujets, rien n’a été confirmé quant à la portée de l’accord. D’autant que Nissan semble vouloir maximiser le rééquilibrage des forces. De plus, l’appétit du marché pour les actions de voitures électriques pures semble s’essouffler, comme l’illustre la baisse des actions Rivian et Lucid depuis plusieurs mois. Enfin, Renault doit confirmer que cette révision de l’Alliance se fait en accord avec l’Etat français.

Dès lors, le marché attend des réponses extrêmement précises lors du Renault Capital Market Day (journée investisseurs) prévu le 8 novembre sur cette introduction en bourse, mais aussi sur le nouveau partenariat avec Nissan. Malgré les résultats spectaculaires obtenus ces deux dernières années, Luca de Meo sait que son tour l’attend…