l’aventure n’est pas l’aventure
Le premier est le désir d’aimer. L’envie de rire, de sourire et de s’enthousiasmer pour un film d’aventure français au bon budget (12-13 millions d’euros) et à l’ambition évidente. Car ce Jack Mimoun est bien sûr dans l’ombre d’Indiana Jones et consorts, mais aussi dans la lignée de Jean-Paul Belmondo et Philippe de Broca ; comme pour mieux rappeler combien ce cinéma doit toujours être là, en France.
et Jack Mimoun et les secrets du Val Verde Ça commence bien, avec une introduction plus portée sur l’imaginaire le plus élémentaire (un homme mystérieux, une île mystérieuse, une mystérieuse carte au trésor) que la grande blagounette. La musique de Mathieu Lamboley, ambitieuse et sensationnelle, est la cerise sur le gâteau de cette sortie d’expédition.
Ensuite, il y a la réalité. En quelques minutes et croquis, les personnages principaux sont dessinés avec un pinceau plus gros qu’un balai. L’aventurier est un gentil crétin digne d’NRJ12, et le scientifique se lance dans l’aventure après avoir feuilleté un magazine. L’équipe des bras cassés est formée et les mécaniques comiques lourdes et lentes prennent le relais. Peu à peu, l’envie cède la place à l’ennui, se traduisant par un sentiment familier et désagréable : un autre film (français) qui tourne mal.
Liane sans folie
l’homme qui rit
Jusqu’alors associé à des pépites de la comédie française (non) comme Pattaya et Le DoudouL’humoriste Malik Bentalha a probablement tout donné pour réaliser le rêve de ce grand garçon. L’idée est venue de lui, et il a co-écrit le scénario avec Florence Bernard (qui a travaillé pour Golden Moustache et La flamme) et Tristan Schulman (but des morts). Le personnage vient de lui, et il incarne ce fameux Jack Mimoun. Il voulait aussi réaliser et éventuellement co-réaliser le film avec Ludovic Colbeau-Justin (Le lionavec Dany Boon et Philippe Katerine). Jack Mimoun et les secrets du Val Verdedonc c’est lui, partout, presque tout le temps.
Première surprise : Malik Bentalha, l’acteur, manque beaucoup d’énergie et de folie.. Le désir d’être placé non pas au premier plan, mais au sein d’un gang, n’explique pas tout. A l’écran, il apparaît constamment en sous-régime, ce qui est dommage pour ce Jack Mimoun conçu comme un descendant officieux de Mike Horn et Bear Grylls (côté réalité), et de Jack Burton et Indiana Jones (côté film). Un peu trop sérieux pour aller jusqu’au bout des seconds rôles, un peu trop ridicule pour vraiment décoller en héros, il ne peut compter que sur la gentillesse. Ou une miette dans une comédie d’aventures de ce type, et surtout avec ce décor.
Anaconda (sans Jennifer Lopez)
Auto Jack Mimoun et les secrets du Val Verde c’est un film de groupe, et ce groupe est définitivement le pire de l’écran. Pourtant, la talentueuse Joséphine Japy n’y arrive pas avec ce pauvre personnage en carton, qui a sans doute les pires scènes. Soi-disant le moteur de l’aventure, grâce à une motivation exprimée au marteau-piqueur, oscille entre acuité mentale et profonde naïveté selon les situations. Son passé, ses mensonges, ses émotions, ses peurs : tout est traité et sur-expliqué en quatrième vitesse, si bien qu’il n’a finalement aucune personnalité. Alors qu’elle est l’un des personnages principaux, en théorie.
En arrière-plan se trouve le Patio de los Milagros. Benoît Magimel est étonnant en Benoît Magimel hors du temps, Jérôme Commandeur est parfaitement oubliable en Jérôme Commandeur, et François Damiens est visiblement drôle dans le rôle de François Damiens. Sauf que c’est une arme à double tranchant dans la mesure où c’est l’équivalent d’un chalumeau sur une bougie : il éclaire le tout de quelques perles d’absurdité, tout en soulignant davantage le vide terne qui suit.
Tout cela relève bien sûr d’une pure tradition du genre, où les seconds rôles sont des marionnettes (aléatoire, Danny DeVito dans A la recherche du diamant vert), et les méchants, vraiment pourris (Zolo dans A la recherche du diamant vert, car oui, ce film est fantastique). Et où les incohérences extrêmes (cet enregistreur est sacrément solide) sont légions. Mais Jack Mimoun et les secrets du Val Verde il ne faut pas longtemps pour nouer des relations entre ces personnages (surtout Aurélie et Jonas, et Jack et Jean-Marc), qui semblent tous entraînés dans l’intrigue, courant et criant sans se regarder.
Lost saison 1 épisode 1
JACK MIMOLLE
Et si on fermait les yeux sur les personnages pour les ouvrir à l’aventure ? C’est moins mauvais, mais pas beaucoup mieux. Malik Bentalha et ses co-auteurs ont soigneusement étudié le sujet pour proposer une introduction folle à la jungle, avec tarentule, scorpion, sables mouvants et autres dangers de mère nature. Ils ont également révisé leurs classiques, avec carcasse d’avion dans les arbres, pont de singe, temple perdu et passages secrets. Le film déborde de supposés clins d’œilcar c’est aussi (avant tout) un plaisir pour le cinéphile qui y préside.
Jack Mimoun et les secrets du Val Verde a aussi pour lui les dimensions de son ambition. Tourné dans des décors naturels, le film s’installe rapidement dans les lieux appropriés et en profite pour éviter les interminables intérieurs et recoins des studios costumés. Là encore, l’appétit pour le cinéma vintage est palpable. Mais ce n’est pas assez.
La Flamme, le retour
Les dangers et les blagues s’enchaînent pour marquer les cases obligées du genre et assouvir les rêves des plus petits, mais sans recréer de la grande magie. Les situations et péripéties semblent se superposer, comme des briques sans ciment. Et finalement, il manque Jack Mimoun et les secrets du Val Verde une harmonie (avec humour, avec émerveillement, voire avec tendresse), et un mouvement mondial pour rassembler tout ce bazar joyeux et décousu.
Le film cherche sans fin, avec petits éclats ici et là. Un François Damiens qui conquiert quelques sourires aux réponses évidemment lunaires, un Benoît Magimel qui revigore un peu l’aventure, ou encore un bel effet de lumière qui illumine les décors et les visages du temple perdu. Mais c’est bien peu pour que ce Jack Mimoun trouve sa voie dans la jungle des références et des ambitions.
Après un épilogue épouvantable qui termine l’aventure sur la pire des notes (un non-baiser mille fois vu, une suite teaser 100% garantie et sans charme), un seul sentiment demeure : la tristesse et la fatigue. Jack Mimoun et les secrets du Val Verde doit continuer à servir d’exemple aux éternels débats sur le cinéma français, surtout si le succès n’est pas au rendez-vous. C’est mérité, c’est chiant… mais “bonne nouvelle” : c’est toujours moins pire que le cher navet Le secret de la cité perdueavec Sandra Bullock et Channing Tatum, sorti début 2022.
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