Publié le 17 octobre 2022 à 6h45Mis à jour le 17 octobre 2022 à 17h14
Du 18 août au 31 décembre, les salariés en épargne salariale peuvent demander, sous certaines conditions, sa sortie exceptionnelle alors que normalement cet argent est normalement inaccessible pendant au moins 5 ans.
Dans un contexte de forte inflation, cette disposition temporaire est destinée à permettre aux ménages de disposer de cette ressource pour faire face à leurs frais de subsistance ou pour effectuer des travaux visant, par exemple, à réduire leur facture énergétique. Selon les données provisoires de l’Insee, les prix de l’alimentation ont augmenté de 9,9 % sur un an en septembre, et les prix de l’énergie de 17,8 %.
4 000 emplacements à Epsens
Pourtant, malgré la hausse des prix, les Français tirent relativement peu de leur plan d’épargne salariale selon les premiers chiffres collectés. “Entre le 1er et le 11 octobre, nous avons reçu 4.000 demandes de déblocage exceptionnel, pour un montant moyen de 2.700 euros”, précise Catherine Pays-Lenique, PDG d’Epsens. Ce gestionnaire prétend gérer l’épargne des salariés de 530 000 personnes. Il est vrai que tous les régimes ne sont pas éligibles au retrait exceptionnel ou ne sont éligibles qu’à des montants insignifiants, ce qui peut expliquer en partie ce faible niveau de recours.
Mais les premières données transmises par Epsor, également spécialisé dans l’épargne salariale et la retraite, confirment cette impression. “Malgré une communication active depuis le mois d’août, seuls 2% des épargnants éligibles nous ont envoyé une demande fin septembre pour un montant moyen de 4.466 euros”, explique son directeur général, Benjamín Pedrini. Si le montant moyen débloqué dans Epsor est plus élevé, il est loin du plafond des 10 000 euros.
« Il est trop tôt pour faire un bilan complet de la situation, précise Benjamín Pedrini, mais je pense qu’il n’y aura pas de raz-de-marée. Après la publication du décret, nous avons eu un niveau élevé de demandes dans les 3 jours suivants, mais depuis lors, il est très faible. » Pour anticiper la portée limitée de cet appareil, le directeur général d’Epson rappelle les précédentes périodes de lancement exceptionnel.
Ainsi, en 2013, la décision sous la présidence de François Hollande de réactiver la consommation n’avait dégagé que 2 000 millions d’euros sur les dix milliards d’euros potentiellement utilisables, selon le rapport préparé par le think tank Cercle des épargnants. En 2008, le déblocage exceptionnel avait été un peu plus utilisé avec 1,6 million de salariés ayant retiré l’équivalent de 3,5 milliards d’euros. Or, 80 % des sommes avaient été placées dans d’autres supports d’épargne, indique le Cercle des épargnants.
Utilisation sous restrictions
Pour s’assurer que l’épargne actuellement dégagée soit correctement réinjectée dans l’économie, le législateur précise qu’elle ne doit servir qu’aux dépenses de consommation. L’administration fiscale se réserve le droit de procéder à des vérifications. Pour prouver sa bonne foi, l’épargnant doit, le cas échéant, fournir des factures justifiant l’utilisation des fonds. Cette restriction légale avait déjà été introduite en 2013.
Or, il semblerait que cette signalisation n’ait pas été totalement intégrée par les requérants. “De nombreuses questions d’épargnants nous portent à croire que ces lancements ne sont pas seulement une réponse à un problème de pouvoir d’achat, alors que certains s’interrogent sur la possibilité de mettre cet argent sur leur Livret A”, rapporte Catherine Country-Lenique.
Idem chez Epsor : « Nous recevons aussi ce type de questions. Nous précisons ensuite les règles et modalités de libération afin que les salariés ne soient pas mis en danger. Bien qu’ils soient débloqués en prévision des dépenses futures, ils doivent être engagés avant le 31 décembre », précise Benjamín Pedrini.
Pourquoi cette volonté des épargnants d’arbitrer l’épargne des salariés vers le Livret A ? La rémunération du Livret a été portée à 2% au 1er août alors que les marchés boursiers sont dominés par une forte volatilité. Il est vrai qu’il est possible d’arbitrer l’épargne des salariés pour se réfugier dans des fonds monétaires. Mais pour l’instant, sa rémunération ne reflète toujours pas significativement la hausse des taux d’intérêt. D’où la tentation de se réfugier dans un bon carnet.
épargne à long terme
Pour le Cercle d’épargne, c’est le profil même des épargnants salariés qui explique l’échec de ces dispositifs d’aide à la consommation. “Les 11,5 millions de personnes qui ont un produit d’épargne pour salariés ne sont pas forcément les plus touchées dans leur consommation, elles sont souvent issues de grandes entreprises qui proposent des salaires au-dessus de la moyenne”, indiquait ce think tank le 2 août.
Le porte-parole d’Epson est un peu plus nuancé, expliquant que “pour certains, l’épargne salariale il représente le seul levier pour accumuler de l’épargne financière. Y donner accès dans le contexte actuel peut être pertinent pour venir en aide à ces Français en difficulté », précise Benjamin Pedrini.
Rappelons toutefois qu’à l’exception des salariés qui n’ont pas le choix, les plans d’épargne salariale ne sont pas calibrés pour répondre à un besoin urgent de liquidité. Les fonds sont normalement investis dans une perspective à long terme. Fin 2021, seuls 13% des actifs des fonds d’épargne salariale étaient investis en instruments monétaires, contre 15% en fonds actions, 37% en titres d’entreprises ou 23% en fonds mixtes, selon le rapport publié en mars 2022. par l’Association Française de Gestion.
« L’épargne salariale est conçue dans une perspective de long terme et permet de financer des projets pour plus tard. C’est pourquoi il est important que les épargnants réfléchissent bien à leurs besoins, afin de ne pas amputer davantage leur capacité de consommation », insiste Catherine Pays-Lenique. Une question d’autant plus importante que les fonds actions et obligataires s’effondrent depuis le début de l’année. Actuellement, le retrait de l’épargne ainsi investie expose l’investisseur à une perte en capital.
Cristallisation des pertes
“La véritable mise en garde que je lance, c’est qu’un salarié moins informé pourrait, en débloquant hâtivement son épargne de travail, cristalliser une perte importante”, souligne à cet égard Benjamín Pedrini. Ce dernier souligne également que, lorsque les investisseurs choisissent de profiter du lancement exceptionnel, ils ne réfléchissent pas aux moyens par lesquels ils s’alimentent. “Lorsque les salariés ont une poche ayant droit à une libération exceptionnelle, ils la récupèrent intégralement”, précise le porte-parole d’Epsor.
Dans un premier temps, pour faire face aux dépenses courantes, il est recommandé d’utiliser des supports d’épargne à court terme et liquides, tels que les livrets conçus précisément pour abriter l’épargne de précaution. Mais si l’inflation érode le pouvoir d’achat des ménages, ceux-ci continuent généralement d’alimenter leur compte d’épargne.
Depuis le début de l’année, les encours du Livret A et du LDDS ont augmenté de 27,46 milliards d’euros ( dont 5,28 milliards rien qu’en août ). C’est 3,4 milliards de plus que sur les 8 premiers mois de 2021 selon la Caisse des Dépôts. Le solde important accumulé dans les livrets pourrait également expliquer la faible utilisation du déblocage anticipé de l’épargne salariale.
Leave a Reply