“Une étape difficile mais nécessaire.” Vendredi 2 septembre, Fiona Ferro est sortie de son silence par le biais d’un communiqué, indiquant qu’elle prenait “acte de la position de Pierre Bouteyre dans [son] accusation d’actes de viol et d’agression sexuelle par une personne en position d’autorité”, datant de 2012 à 2015 alors qu’il avait entre 15 et 18 ans. La joueuse de tennis, qui a porté plainte le 25 février, a rappelé qu’elle n’était pas “ne pas consentir et que les viols et les agressions sexuelles ont été commis par contrainte morale”.
Après plusieurs mois d’enquête préliminaire, suivis d’une confrontation entre Fiona Ferro et son ancien entraîneur, ce dernier a été inculpé le 19 août. Il a également été placé sous surveillance judiciaire avec obligation de soins, et il lui est interdit de former des mineurs et d’avoir des contacts avec Fiona Ferro. Il risque jusqu’à 20 ans de prison et est présumé innocent. Selon l’avocate de Pierre Bouteyre, Me Virginie Pin, “il reconnaît la matérialité des faits mais nie l’accusation de viol”. Selon cette dernière, les relations sexuelles ont eu lieu lors de voyages à l’étranger, mais “sans coercition et sans violence”. Il évoque également une relation amoureuse entre la joueuse et son entraîneur de l’époque.
De son côté, quelques heures après la prise de parole de Fiona Ferro, Maître Isabelle Colombani, avocate au barreau de Draguignan, a donné des nouvelles de la joueuse et raconté à franceinfo : sport son déplacement, ce qui l’a convaincue de porter plainte.
franceinfo : sport : Dans quel état d’esprit se trouve Fiona Ferro depuis la médiatisation de toute cette affaire ?
Maître Isabelle Colombani : Elle est déjà une combattante. Elle n’est pas une joueuse de premier plan pour rien. Mais c’est vrai que c’est un peu compliqué, car elle ne s’attendait pas à ce que cette affaire soit médiatisée. Depuis la publication dans la presse, il y a eu un peu d’ondulation.
Je vais être très honnête avec vous, ce qui l’inquiète le plus aujourd’hui, c’est le système de défense de Pierre Bouteyre. Car elle admet les faits mais conteste le viol, affirmant qu’elle y a consenti. Elle est donc très en colère car c’est quelqu’un qu’elle aimait beaucoup malgré tout ce qui s’est passé. Quand on a préparé la confrontation, j’ai dit à Fiona que j’allais défier, parce que c’est habituel. Elle pensait que malgré ce qui s’était passé, il serait honnête et admettrait les faits.
Quel a été le déclic qui l’a poussée à venir vous voir ?
Elle croyait très naïvement qu’en se séparant de cet entraîneur, elle pourrait oublier. Lorsqu’il est majeur et qu’il cesse de collaborer avec Pierre Bouteyre, il pense pouvoir surmonter cette épreuve.
“En fait, elle s’est rendu compte qu’à chaque fois qu’elle le rencontrait, dans des clubs ou des tournois où il accompagnait d’autres joueurs, elle ne pouvait pas jouer par la suite.”
Maître Isabelle Colombani, avocate de Fiona Ferrosur franceinfo : sport
Une grande angoisse, du stress et même de la colère l’envahissent. Elle a consulté un psychologue pour obtenir de l’aide. Mais quand il s’est rendu compte que ça ne fonctionnait pas et que ça empirait même, il a compris qu’il devait agir. Il l’a ressenti encore plus lorsqu’il a eu son premier amour d’enfance et cette histoire l’a empêché de vivre une histoire normale. Il en a d’abord parlé à ses parents fin 2021, avant de prendre la décision de porter plainte.
Dans quel état d’esprit est-il venu vous voir en janvier 2022 ?
Il savait qu’il devait parler pour se libérer mais il avait très peur de le faire, non pas par rapport à la réaction de Pierre Bouteyre, mais par rapport au regard des autres. Difficile pour elle de savoir ce que les autres penseraient d’elle après tout cela : continueraient-ils à la voir comme Fiona Ferro la joueuse de tennis, ou deviendrait-elle Fiona Ferro la joueuse violée par son entraîneur ?
Entre le dépôt de plainte en février et la confrontation en août, comment Fiona Ferro a-t-elle vécu ces six mois d’enquête ?
J’ai vécu les montagnes russes. Lorsque la plainte a été déposée, elle a été soulagée et a ressenti un sentiment de bien-être pendant quelques semaines. Ensuite, pendant le temps de l’enquête préliminaire, qui s’étend sur plusieurs mois, nous ne sommes au courant de rien. On ne sait pas ce qui est fait, qui est écouté.
“L’attente lui a été insupportable, jusqu’au 16 août où elle a reçu le coup de téléphone de l’enquêteur lui annonçant que Pierre Bouteyre était en garde à vue et l’affrontement.”
Maître Isabelle Colombani, avocate de Fiona Ferrosur franceinfo : sport
Vous êtes donc prévenu la veille pour le lendemain. C’est assez violent.
Vous vous interrogez sur votre carrière ?
C’est la question à laquelle elle n’a pas de réponse. Elle attend beaucoup de ce que la Fédération française de tennis (FFT) peut lui offrir ou non. Que vous puissiez ou non bénéficier d’un soutien moral.
Car il s’est rendu compte que depuis qu’il a quitté Pierre Bouteyre il ressent une difficulté dans sa relation avec l’homme en général et avec l’entraîneur. Je pense qu’il faudra attendre le mois de septembre pour se poser et digérer tout cela. Il faut aussi retrouver l’envie de jouer, que vous avez perdue aujourd’hui.
exactement le La FFT l’a soutenu Vendredi 2 septembre, ainsi que de nombreux joueurs du circuit comme Alizé Cornet, Caroline García et Nicolás Mahut.
Oui, et cela lui a beaucoup réchauffé le cœur. Elle reçoit un grand nombre de messages, dont certains lui vont droit au cœur, et qui la touchent particulièrement, comme son échange avec Caroline García, qui est en plein tournoi. Ces messages lui ont fait beaucoup de bien.
Quelle est la suite de l’affaire ?
Le juge ordonnera des commissions rogatoires, c’est-à-dire des expertises psychologiques et psychiatriques de l’accusé et aussi de Fiona Ferro. Des lettres de sollicitation seront également faites pour écouter les deux suites, ainsi que toutes les joueuses qu’il a formées, comme Alizé Cornet. Fiona devra être entendue dans les prochaines semaines par le juge d’instruction et peut-être demander une nouvelle confrontation.
« Comme toute procédure d’enquête, en matière pénale, elle peut durer jusqu’à deux ans. Il faut en tenir compte.”
Maître Isabelle Colombani, avocate de Fiona Ferrosur franceinfo : sport
Fiona le sait, mais il faut maintenant découvrir ce qu’elle sera capable de faire dans sa vie de femme et de joueuse durant ces deux années. Car votre vie est marquée par les différentes étapes judiciaires et nous savons que le temps de la justice en France est particulièrement long. Et bien des fois, c’est classique dans ce genre de cas, tu commences à te rétablir, et puis il y a un acte, ou une convocation, quelque chose qui te fait tomber. 24 mois de procédure, c’est long, surtout quand on est un sportif de haut niveau. Deux ans dans une carrière, c’est beaucoup.
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