« Frappez toujours plus fort pour faire bouger les choses !

Dans zone restreinte, L’animatrice de M6 propose un nouveau documentaire sur la protection de l’enfance, deux ans après une émission qui a fait scandale.

Après le choc il y a deux ans d’une première enquête sur les défaillances de la protection de l’enfance, zone réglementée continue avec Familles d’accueil, hôtels sociaux : le nouveau scandale des enfants placés. Entretien avec une Ophélie Meunier engagée, pour qui c’est déjà la septième année à la tête du magazine M6.

En 2019, vous avez énervé les Français avec Mineurs en danger : enquête sur les échecs scandaleux du Travail Social de l’Enfance. Pourquoi revenir sur le sujet ?

Une loi a été votée en février 2022, sans doute accélérée par notre précédent documentaire. La conscience est à l’œuvre. La prise en charge à l’hôtel est désormais interdite. Les familles et les foyers d’accueil devraient être mieux encadrés et les éducateurs devraient être mieux encadrés. Des projets pédagogiques doivent voir le jour. La collaboration entre l’Etat, les départements et les associations sera également renforcée. Mais le travail est colossal. Notre objectif est de faire des vagues, de frapper le thème de manière à ce que les choses se produisent.

Venez-vous vous plonger dans le premier ou vous dirigez-vous vers autre chose ?

Identité de genre, violences conjugales… L’enfance est souvent évoquée dans le magazine. C’est même l’un de nos chevaux de bataille. Le premier numéro dressait un inventaire édifiant de foyers d’accueil. Dans ce nouveau thème complémentaire, nous nous concentrons davantage sur les familles d’accueil, les hôtels sociaux et certains logements, auxquels nous avons cru bon d’offrir des droits de participation. Tout n’est pas figé, loin de là.

« Notre objectif n’est pas de pousser pour pousser, mais de dire les choses. »

Donc rien ne fonctionne ?

Notre but n’est pas de pousser pour pousser, mais de dire des choses. Inévitablement, nous signalons ce qui ne va pas. Cependant, nous montrons aussi ce qui va bien. Comme cette famille d’accueil exemplaire que nous avons rencontrée. Comme cette maison à Dijon, un enfer il y a deux ans et un paradis aujourd’hui, selon les enfants eux-mêmes… Au-delà de ça, aux yeux de ma mère comme à ceux de beaucoup de gens, le malheur d’un enfant unique justifie de dénoncer un système qui l’est suppose remplacer les parents et qu’il ne le fait pas, dans trop de cas. Ce n’est pas parce qu’on retire un enfant de son environnement dégradé qu’il est sauvé.

Est-ce souvent le cas ?

Beaucoup de ces enfants passent des années sous la protection de l’ASE. Et à long terme, si vous ne vous en occupez pas correctement, ils ne s’en sortiront pas. Ces enfants sont au nombre de 300 000. D’où qu’ils viennent, ils sont l’avenir de notre pays.

« Nous avons tous autour de nous l’exemple d’un enfant qui a vécu un traumatisme, qui est tombé dans la drogue, qui a frôlé la délinquance ou qui a rechuté gravement… »

Ces enfants sont-ils perdus ?

Nous avons tous autour de nous l’exemple d’un enfant qui a vécu un traumatisme, qui est tombé dans la drogue, qui a frôlé la délinquance ou qui a commis une grave erreur. Et nous avons tous autour de nous l’exemple d’un gamin qui a suscité de vives inquiétudes et qui s’en est très bien sorti. Bien sûr, les chances ne sont pas égales. Bien sûr, une forte proportion d’enfants en famille d’accueil se retrouvent dans la rue. Mais je ne veux pas me dire que c’est fini !

Souhaitez-vous devenir une famille d’accueil?

J’y pense souvent. C’est une question très intime. Je ne suis pas seule et je sais à quel point il peut être émotionnellement difficile d’accueillir un enfant dont on sait qu’il vous sera enlevé dans un an, deux ou trois ans, soit de le rendre à ses parents, ce qui est une bonne chose si c’est possible, ou d’être placé ailleurs pour éviter tout véritable attachement, ce qui est un effet terriblement pervers du système. Qu’est-ce qu’un enfant sans amour ? Et qu’est-ce que d’accueillir un enfant à qui il ne faut pas donner d’amour ?

Très précisément, quelles retombées attendez-vous de ce numéro de Zone Interdite ?

Une prise de conscience, des faits, des mesures concrètes et un rêve : refaire la même enquête dans deux ou trois ans et voir les progrès. Mon rêve serait que ce sujet ne soit plus un sujet.

« C’est un honneur d’avoir pris en main un programme (…) plébiscité et capable de générer des changements même au sein de l’Assemblée nationale. »

Êtes-vous toujours aussi heureux sur M6 ?

Beaucoup ! C’est un honneur d’avoir pris les rênes d’une émission non seulement née il y a trente ans et animée successivement par de grands noms du journalisme, mais aussi reconnue, unique en son genre – thèmes mono d’une heure et demie, enquêtes approfondies sur plusieurs années. .. -, acclamé et capable de provoquer des changements même au sein de l’Assemblée nationale. Je m’en occupe fièrement depuis sept ans !

Cependant, vous avez subi des pressions et des menaces après un numéro sur l’islam radical il y a deux ans. La page se tourne-t-elle ?

Je comprends votre question. J’en ai parlé deux fois. Mais je ne souhaite plus du tout m’exprimer sur le sujet.

ASE en chiffres
Selon l’INSEE, l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) recouvre deux formes principales : les mesures éducatives et les mesures de placement, majoritairement décidées par l’autorité judiciaire. Lorsqu’un mineur ne peut être maintenu dans sa famille, l’ASE est chargée de subvenir à tous ses besoins matériels, éducatifs et psychologiques. Dotée d’une dotation annuelle d’environ 9 000 millions d’euros, l’institution suit plus de 300 000 mineurs, dont près de 200 000 vivent en famille d’accueil ou en foyer, à la charge de 1,3 million d’intervenants sociaux (éducateurs spécialisés, assistantes maternelles et sociales, etc.). Beaucoup s’en tirent. Mais 40% d’entre eux finiraient pourtant à la rue.

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