Franck Ribéry, artiste formidable et sulfureux, prend sa retraite

Gêné par une contusion au genou, Franck Ribéry, 39 ans, a annoncé vendredi la fin de sa carrière de footballeur. Joueur hyper talentueux et charismatique, personnage attachant et parfois controversé, le milieu offensif a beaucoup peiné en se hissant parmi les meilleurs joueurs du monde, notamment sous les couleurs du Bayern Munich. A sa manière, “Kaiser Franck” a marqué l’histoire du football français.

L’officialisation était attendue. du quotidien L’équipe l’avait annoncé début octobre : Franck Ribéry allait mettre un terme à sa carrière. En proie à des douleurs au genou, le Français n’avait pu jouer qu’une trentaine de minutes cette saison pour son club italien de Salernita à la mi-août. A 39 ans, le moment est venu.

Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, le garçon de Boulogne-sur-Mer confirme sa retraite. “Le ballon s’arrête mais pas mes sentiments pour lui. Merci à tous pour cette fantastique aventure”, confie Franck Ribéry. “La douleur au genou n’a fait qu’empirer et les médecins sont clairs : je n’ai pas de remède, je dois arrêter de jouer”, poursuit-il.


Franck Ribéry quitte le terrain, mais le jeune retraité n’en a pas fini avec le ballon rond. “C’est la fin d’un chapitre, celui du joueur, mais pas la fin de mon histoire professionnelle, vous pouvez en être sûr. Alors, je vous dis à très bientôt pour le début d’un nouveau beau chapitre”, I promis -Le. L’US Salernita confirme que l’ancien joueur “continuera, dans un autre rôle, au sein du club”. Probablement dans le cadrage ou la direction (si vous avez une source à citer)

Cette cicatrice sur le visage, une douleur devenue une force

Rembobiner le parcours de Franck Ribéry relève du défi tant la vie de l’homme et du footballeur n’est pas un long fleuve tranquille. Originaire du Pas-de-Calais, son enfance bascule alors qu’il n’a que deux ans. Victime d’un accident de la circulation, il heurte le pare-brise. Le petit garçon sera marqué à vie avec des cicatrices le long de sa joue droite et sur son front.

Des années plus tard, ces stigmates partageront le charisme qui émane de Franck Ribéry. Mais ils étaient aussi une douleur. Début 2018, dans le documentaire ‘Ma part d’ombre’ sur Canal+, il s’est confié sur les moqueries dont il a été victime enfant, et comment elles ont façonné sa carapace et sa personnalité :

« C’est ce qui m’a donné ce caractère, cette force aussi. Quand tu es jeune et qu’ils te marquent comme ça, ce n’est pas facile. Les yeux du peuple, la critique. (…) A l’école, les parents vous regardent et se parlent. “C’est drôle. (…) C’est mauvais. Quand tu es jeune, tu souffres. Mais même quand ils se moquaient de moi, je ne suis jamais allé dans un coin pour pleurer. Jamais”, confie-t-il dans une confession émouvante.

Dans l’adversité, Franck Ribéry s’est construit. Il en a toujours été ainsi pour lui. A Lille, l’adolescent turbulent a été expulsé du centre de formation à l’âge de 16 ans et a dû se réfugier à Boulogne-sur-Mer, dans la troisième catégorie nationale. Si certains jeunes talents suivent un chemin linéaire, le jeune homme aux cicatrices doit emprunter un chemin plus accidenté et laborieux. Il passe des tests infructueux, travaille un temps sur des chantiers et se retrouve à Alès, puis à Brest, toujours en National.

Explosion du “garçon” à Marseille et en équipe de France

Sa seule saison dans le Finisterre, en Nacional, est décisive. Brillez avec le Stade Brestois et attirez l’attention des recruteurs. Le FC Metz saisit l’occasion et, à 21 ans, Franck Ribéry découvre la Ligue 1 avec les Grenats. Ses débuts sont fulgurants. La France découvre un phénomène supersonique, insaisissable, véritable calvaire pour les défenseurs. Six mois plus tard, le petit prodige rejoint Galatasaray. En Turquie aussi, les Français ne resteront que six mois.

A l’été 2005, il revient en France pour “Ti Franck”. L’Olympique de Marseille attire les feux follets. Comme à Metz un an auparavant, Franck Ribéry réalise des exploits. Adopté par le public marseillais, le milieu offensif se révèle de plus en plus aux yeux du monde entier, avec une saison exceptionnelle sur le plan personnel (12 buts, 8 passes décisives).

La cerise sur le gâteau est venue au printemps 2006 lorsque l’entraîneur des Bleus, Raymond Domenech, a décidé d’emmener la recrue à la Coupe du monde en Allemagne. Dans une équipe française composée de cadres aguerris, Franck Ribéry apporte un brin de folie et d’insouciance. Le groupe l’accueille à bras ouverts, le Marseillais est surnommé par le capitaine Zinédine Zidane.

La greffe est un succès complet. Le débutant a débuté et est entré dans le cœur des fans le 27 juin 2006, en huitièmes de finale contre l’Espagne. La Roja mène 1-0 à l’arrivée de la 41emoi minute de jeu : sorti par Patrick Vieira, Franck Ribéry dribble Iker Casillas et fait match nul pour l’équipe de France qui s’imposera 3-1. “Vas-y, mon petit garçon ! (…) Il est super, le garçon !”, s’exclame le journaliste Thierry Gilardi, dans un commentaire devenu célèbre. Ribéry et ses partenaires finiront deuxièmes du monde.


2010, l’année terrible

En 2007, Franck Ribéry change de dimension en rejoignant un club européen : le Bayern Munich. Il y héritera du surnom de « Kaiser Franck » (« Franck l’Empereur »), en clin d’œil à Franz Beckenbaueur, légendaire défenseur des Bavarois. Pendant 12 ans, le numéro 7 ravira la Bavière, notamment cette Ligue des champions relevée en 2013.

C’est aussi durant ces années que l’étoile de Ribéry s’est éteinte. L’année 2010 est un cauchemar. En avril, ça éclate”l’affaire zahia» : Franck Ribéry est accusé d’avoir eu des relations sexuelles payantes avec une escort girl, Zahia Dehar, alors qu’il était encore mineur. Karim Benzema a également été mis en cause. La justice va enfin libérer les deux joueurs en janvier 2014, mais l’image de Franck Ribéry est écornée.

En conséquence, la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud est un fiasco total. Sur le terrain, l’équipe de France est ridicule, loin de son niveau d’il y a quatre ans. Dans les coulisses, le groupe explose. Après l’exclusion de Nicolas Anelka, les Bleus se rebellent et boycottent une séance d’entraînement à Knysna, devant les caméras du monde entier.

L’obscure équipe de France et la presse française se font l’écho d’une supposée animosité entre Franck Ribéry et Yoann Gourcuff. Dans ce nid de poule, le joueur du Bayern Munich s’invite un matin en claquettes sur le plateau de l’émission Téléfoot, sur TF1, et avoue, dans une scène surréaliste et avec des trémolos dans la voix, tout son malaise.


Le plaisantin et rafraîchissant Franck Ribéry a disparu. Quelque chose se brise en Afrique du Sud, tandis qu’à Paris, la ministre des Sports se retourne contre “des patrons immatures (qui) envoient des enfants effrayés”. L’épisode de Knysna donnera à Franck Ribéry une suspension de trois matchs.

Le Ballon d’Or 2013, une tache indélébile

Tout en maintenant un excellent niveau à Munich, “Kaiser Franck” perd progressivement le contact avec les Bleus. Il n’a pas brillé lors d’un Euro 2012 décevant pour la France, dirigé par Laurent Blanc. Sous la direction de Didier Deschamps ensuite, Franck Ribéry retrouve la lumière. Tout d’abord, il fait partie de l’équipe de France en reconstruction.

Mais la Coupe du monde 2014 au Brésil se jouera sans lui. Une blessure au dos l’oblige à abandonner. Quelques semaines plus tard, Franck Ribéry annonce sa retraite internationale, âgé de 31 ans, estimant manquer de soutien au moment de sa blessure. L’aventure avec les Bleus, qui a commencé de façon magistrale, se termine dans un coup d’eau (81 sélections, 16 buts).

Quelques mois auparavant, un autre épisode avait blessé le dribbleur : cette troisième place au classement des Ballon d’Or 2013, derrière le vainqueur Cristiano Ronaldo et Lionel Messi. Franck Ribéry n’avait pas encore signé une saison 2012-2013 stratosphérique. Mais il termine tout de même sur la troisième marche du podium. “Un vol”, comme il l’a encore dit à Canal+ :

“C’était difficile. Incompréhensible. J’ai gagné tous les trophées. J’étais le meilleur joueur de Bundesliga et le meilleur joueur d’Europe. J’étais présent de A à Z, soit avec mon club, soit avec l’équipe de France (… ) Je suis monté, je n’ai pas pu faire plus”, juge-t-il.

Dans cette course à la distinction individuelle suprême, l’esthète avait aussi le sentiment de ne pas avoir un soutien massif du football français : “J’avais le soutien de certains Français, mais je n’avais pas tout mon pays derrière moi.” Le proverbe “nul n’est prophète en son pays” convient assez bien au joueur, raillé entre autres pour ses fautes de langage. Son “Route Shall Turn” est même passé à la postérité.

Un monument du football français

S’il a su ressentir un certain déchirement en France et raté le train des Bleus champions du monde en 2018, Franck Ribéry a trouvé, durant ses 12 années en Allemagne, un autre chez-soi. En 2019, alors qu’il devait quitter la maison munichoise, le Français a dit un adieu émouvant à l’Allianz-Arena, l’antre du Bayern.

“Merci. La famille Ribéry vous aime”, s’est-il exclamé en larmes, entouré de sa femme Wahiba et de leurs enfants. C’était avant d’aller terminer sa carrière à un niveau plus modeste en Italie, dans le Florentin (2019-2021) et donc à La Salernita.

Aujourd’hui, l’ancien Tricolore reçoit des hommages du monde entier, au moment d’accrocher les crampons après 22 ans sur le terrain. A Munich notamment, les mots sont les plus forts. Oliver Kahn, l’ancien gardien orageux devenu entraîneur du Bayern, a fait l’éloge de l’homme qui le rendait fou avec ses farces :

“Tu es venu à Munich en tant qu’escroc, tu m’as surpris une ou deux fois avec un seau d’eau et maintenant tu es une icône absolue du club. Je te souhaite tout le meilleur pour ton avenir, tu seras toujours chez toi au Bayern. “

Au sein du géant bavarois, le Français a disputé 425 matchs, marqué 124 buts et distribué 182 passes décisives. Ils ont également remporté 22 trophées, dont neuf titres de champion et une Ligue des champions. De quoi rappeler, malgré les critiques, les obstacles et les échecs, l’immense carrière accomplie par l’un des joueurs les plus brillants et passionnants de l’histoire du football français.

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