Entre “média fiable” et “danger réel”, nos lecteurs se déchirent

On n’a pas connu de débat plus houleux depuis l’affaire Dreyfus. Parce que la question de savoir s’il faut ou non interdire les scooters en libre service dans la capitale enflamme nos lecteurs avec près d’une centaine de contributions sur le sujet (96 pour être exact). Pour rappel, le jeudi 29 septembre, le conseil municipal de Paris a appelé les trois opérateurs de scooters en vol stationnaire à trouver des solutions dans un délai d’un mois pour limiter les usages dangereux et l’encombrement des rues. Sinon, David Belliard, l’assistant route et mobilité, a menacé de ne pas renouveler l’accord en février 2023. Nous avons donc demandé à nos lecteurs de savoir ce qu’ils en pensaient. La grande majorité d’entre eux (69%) sont favorables à une interdiction ou du moins à un encadrement très strict. 26% sont favorables à leur maintien et cinq contributeurs ont une position moyenne.

Honneur à ceux qui souhaitent maintenir le service de scooter en « free floating » principalement en raison de l’absence ou de la défaillance des transports en commun. Alors Olivier, qui vit sur la ligne 13, fait valoir que “les trottinettes répondent aux limites évidentes de l’offre de transport en commun à Paris : la file d’attente est encombrée quand ça marche”. “La voiture est devenue impossible, le métro est généralement en retard […], le scooter permet de faire tous les trajets pour lesquels les Parisiens n’ont pas d’autre solution », précise Manon. Matthieu confirme : « Quand le métro est fermé après minuit, ça m’évite de prendre des taxis trop chers ou difficiles à trouver la nuit. » « Pourquoi supprimer ce moyen de transport fiable et non polluant à l’heure où il n’est plus possible de se déplacer autrement dans Paris ? demande aussi Louise.

“C’est un moyen de transport qu’il faut promouvoir”

Clément pense à l’attrait touristique de la capitale car « c’est un moyen de transport très utile et formidable pour le tourisme. [Les trottinettes] ils vous permettent de vous déplacer et de vous arrêter où bon vous semble tout en découvrant la ville. Margaux, pour sa part, y trouve un moyen de mobilité rassurant : « En tant que femme, je me sens plus en sécurité seule dans mon véhicule électrique personnel que de marcher seule dans la rue ou de prendre les transports en commun. »

Mais c’est la logique de la menace d’interdiction qui échappe à Ludivine : « S’appuyer sur le nombre d’accidents pour justifier un non-renouvellement des autorisations […] cela n’a pas de sens. Combien d’accidents impliquent des voitures chaque jour à Paris ? Enfin Camille va plus loin puisqu’elle estime que “l’usage des trottinettes en ville fait partie des moyens de transport qu’il faut encourager”. Elle se dit même prête à rédiger “une plainte si l’utilisation de ces trottinettes est interdite”.

“J’en ai marre de voir des enfants à l’hôpital”

Évidemment, pour les adversaires des trottinettes en libre-service, c’est tout autre chose. Principal reproche : la sécurité. “Je rase les murs de peur que l’un d’eux ne me percute”, témoigne Mathilda pour qui “marcher sur les trottoirs à Paris est de plus en plus dangereux”. De son côté, Sophie s’est fracturé le coude un matin en se rendant au travail : « Un connard [sic] sur le trottoir sur un scooter à grande vitesse m’a propulsé dans le mur. » Résultat : six semaines d’arrêt post-opératoire. Là, c’est le chien d’Isabelle, “quoique de la taille d’un labrador [qui a] a échoué une dizaine de fois à se faire percuter par des utilisateurs de scooter. « Je travaille à l’hôpital pédiatrique et j’en ai marre de voir des enfants hospitalisés pour quelque chose qui aurait pu être évité », raconte Mélina.

La principale cause de ce sentiment d’insécurité semble résider, selon nos collaborateurs, dans le manque de respect du code de la route. “Les gens font n’importe quoi et ils n’ont aucun respect”, poursuit Mélina. Ils marchent sur le trottoir et n’ont rien à voir avec les piétons. Antoine dénonce “l’impunité des conducteurs qui ne s’arrêtent à aucun feu rouge, circulent sur les trottoirs, frôlent les piétons et laissent traîner des véhicules de n’importe quelle manière et n’importe où”. Odile confirme : « Je suis pourtant utilisatrice, mais c’est un vrai danger pour les piétons. Les gens circulent sur les trottoirs, ils ne respectent pas du tout les passages piétons ni les feux rouges. »

“C’est dommage qu’il n’y ait pas de sanction”

Mais pour Ludivine, justement “interdire les trottinettes en libre-service ne résoudrait pas les problèmes de coexistence sur les routes parisiennes entre automobilistes, cyclistes, piétons”. Pour cette raison, elle recommande « de mettre des feux de croisement sur les pistes cyclables, de mieux identifier les passages piétons, de mettre à la disposition des mairies la possibilité de verbaliser les personnes qui ne respectent pas la Code de la route “. “C’est dommage qu’il n’y ait pas de sanction”, déplore Gilles, qui en est “au point d’être juste triste quand il y a des accidents, tant de gens commettent des impolitesses”.

On l’a vu, la cohabitation avec les piétons est compliquée, mais elle l’est aussi avec les autres moyens de transport. Pour Aurélie, “cycliste à Paris depuis trois ans”, “les trottinettes en libre-service sont un cauchemar. Je ne compte plus le nombre de scooters “abandonnés” au milieu de la piste cyclable, mal garés, circulant en sens inverse le long de la route et/ou de la piste cyclable. Chauffeur de taxi, Daniel “est témoin chaque jour d’un comportement non seulement dangereux mais aussi stupide”. Selon lui, “le respect est la pierre angulaire d’une bonne entente entre les citoyens et malheureusement à Paris nous sommes en pleine pénurie”.

Enfin Stéphane assure que « les trottinettes ne sont pas des solutions de décarbonation pour Paris ». “Ils n’effectuent que des trajets courts qui se font facilement à pied ou en transports en commun”, ajoute-t-il. Son cycle de vie global (de sa construction à la fin de son utilisation) est l’un des plus polluants. Et Julien de conclure : « Marcher, c’est bien aussi. »

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