Chez L’Oréal, le limogeage de quatre cadres met le feu aux poudres – Libération

Le géant des produits de beauté est attaqué dans les prud’hommes par quatre directeurs régionaux de sa filiale de distribution, licenciés il y a un an pour “faute grave” alors qu’ils avaient demandé à bénéficier des mêmes droits que leurs collègues de la maison mère.

« En tant qu’employeur, nous avons le devoir d’offrir le même niveau d’avantages sociaux à tous les employés, où que nous exercions nos activités. Cela s’illustre, entre autres, par le programme Share & Care, qui garantit un ensemble universel de droits sociaux aux salariés dans les 67 pays du groupe ». Paroles de Nicolas Hieronimus, PDG du géant mondial des cosmétiques, prononcées en 2018. Les grands patrons devraient parfois s’abstenir d’aussi belles promesses, argot anglo-saxon à l’appui, au risque de les voir revenir comme un boomerang. Car L’Oréal se retrouve ce mercredi après-midi devant les prud’hommes, agressés par quatre anciens cadres, brutalement licenciés en juin 2021 pour une “faute grave” qu’ils contestent L’occasion pour les lanceurs d’alerte de remettre en cause la réputation d’employeur modèle du groupe.

Ce ne sont pas les mêmes avantages et droits sociaux

Les quatre cadres licenciés étaient employés dans une filiale de la multinationale dédiée à la distribution directe de produits de beauté en magasin : Retail Excellence 4 (RE4), récemment rebaptisée Luxury of Retail. L’Oréal vend généralement ses marchandises dans les grands magasins ou les parfumeries. Mais, depuis le rachat en 2015 de la marque américaine de maquillage low-cost NYX, le groupe a décidé d’ouvrir sa propre chaîne de magasins, ouvrant une trentaine d’établissements en France. Avant de reculer brusquement une fois le confinement arrivé. Et de fermer ces nouveaux magasins pour licenciement par vengeance, sous prétexte d’une stratégie dite “Test & Learn”. Parce que « ouvrir, fermer, rouvrir des commerces fait partie intégrante du processus », explique L’Oréal.

Sauf que les employés et gérants de ces magasins ne sont pas des employés de la grande maison. Ils ne bénéficient pas de leurs trois mois de salaire supplémentaires versés sous forme de primes ou d’intéressement qui s’accumulent chaque année. en tenant compte des avantages obtenus par l’entreprise (4 600 millions d’euros identiques en 2021). Ils sont donc salariés de la filiale ad hoc, RE4, qui n’offre pas du tout les mêmes avantages et droits sociaux. Notamment en matière de licenciement : en cas de refus d’un nouveau poste à moins de deux heures et demie de leur domicile, ils peuvent être licenciés pour refus de mobilité sans indemnité particulière.

« Tentative de déstabilisation »

C’est contre ce régime très particulier que quatre directeurs régionaux de RE4 avaient résisté en décembre 2020, saisissant les prud’hommes pour exiger d’être rapatriés à la maison mère puis écrivant une lettre ouverte à leur directeur général dénonçant le “manœuvre” permettant à votre employeur de s’affranchir des normes sociales en vigueur chez L’Oréal. Six mois plus tard, ils ont été licenciés pour “faute grave”, au nom d’une conception assez verticale du pouvoir au sein de la multinationale : “Il avait accepté d’exercer ses fonctions dans le respect des ordres, instructions et consignes spécifiques de l’entreprise.” Puis les accuser, ni plus ni moins, d’un “tentative de déstabilisation” de la multinationale : “En aucun cas, son niveau privilégié dans l’organisation ne pourrait servir une autre cause que celle pour laquelle il a été embauché et promu.” L’un des quatre répondit en vain : « Ainsi, en tant que managers, nous serions obligés d’appliquer, de manière totalement servile, les consignes de la direction, même si elles sont extrêmement choquantes en termes de valeurs et de principes. Tout litige de notre part, pour notre position, étant injuste. Nous n’avons pas la même conception de la loyauté.

Devant les prud’hommes, son avocate, Françoise de Saint Sernin, plaidera l’absence de faute professionnelle : “Le licenciement pour faute grave est totalement inepte, à travers une simple litanie d’allégations purement subjectives, générales, vagues et non datées.” En retour (1), le conseil de RE4, Romain Chiss, pointe un “une insoumission grave, se traduisant par des carences managériales inacceptables, une volonté délibérée de déstabiliser l’entreprise en pleine crise sanitaire.” Les juges jugeront, accordant ou non une indemnisation aux quatre plaignants.

Mais d’autres sujets de colère doivent être abordés à l’audience, dépassant son cas personnel. Comme le délit de « marchandage », qui vise à prêter du travail alors qu’il ne vise qu’à contourner la loi sociale, passible de cinq ans de prison. “L’activité de RE4 consiste uniquement à exécuter les contrats de travail des salariés du Retail”, Il dénonce Me Saint Sernin, éludant à sa maison mère les accusations que cela entraîne. L’avocat de L’Oréal, Olivier Bluche, répond par avance que “RE4 est une filiale indépendante et parfaitement autonome.” Les quatre anciens directeurs régionaux précisent que leurs principaux responsables hiérarchiques et “exclusif” Il était cadre supérieur de la multinationale, avant que le patron en titre de RE4 ne se réveille dans la dernière ligne droite de la dispute : “Il n’a jamais montré le moindre intérêt pour ce que nous faisions, au-delà d’identifier finalement des prétextes pour nous blâmer”, témoigne l’un des quatre. Pour Me Bluche, demandé par Libération, “il n’y a aucune raison de s’agiter ou de demander à la presse ce type de dossier qui n’a rien de particulier.” Voir et surtout juger.

(1) Avant l’audience formelle du 12 octobre, les différentes parties au différend ont rédigé de longs mémoires qui Sortie a consulté.

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